DOSSIER 1: LES PISCINES PRIVEES
Nous devons réinterroger nos usages de ce bien très précieux, l’eau, voire définir collectivement des priorités si la situation devait s’aggraver.
Dans une réflexion sur l’eau, problématique essentielle qui va nous frapper de plein fouet à la fois sur notre territoire mais aussi à l’échelle planétaire dans ce nouvel ordre économique mondial où l’environnement, et particulièrement les ressources en général et l'eau en particulier, seront incontournables, nous aborderons successivement cinq dossiers pour essayer d’apporter un regard utile à chacun sur ce besoin essentiel.
Nous évoquerons dans les semaines à venir d'autres sujets : l’eau du robinet versus l’eau en bouteille, la récupération des eaux de pluie, les méga bassines, le monde agricole.
Nous laissons à chacun ces éléments factuels pour qu'il forme son jugement et juge de la pertinence de ces problématiques et des éventuelles solutions. Il convient de garder toujours une position globale et équilibrée entre les besoins économiques, la liberté du choix de vie de chacun, les contraintes collectives et la nécessité absolue de contribuer par des écogestes et un mode de vie respectueux à préserver notre environnement et la planète de nos enfants. L'écologie punitive et les interdits ne fonctionnant pas et étant souvent contreproductifs, l'information et l'éducation restent essentielles.
Au total, en 2022 (chiffres plus récents que le tableau ci-dessus datant de 2015) avec 3,2 millions d'installations recensées, la France est le premier marché européen de la piscine privée et le deuxième mondial.
Avec 70.000 bassins livrés, l'année 2022 accuse une forte baisse par rapport à 2021 (244.000), mais reste bien supérieure à 2019 (55.000). Le constat en France, une piscine privée pour 21 habitants !
Cependant 800 000 ont plus de 10 ans et nécessitent une rénovation.
La sécheresse inédite touchant la France depuis plusieurs années, peut interpeller et Julien Bayou, député écologiste et secrétaire national d’EELV avait posé la question en aout dernier, de l’interdiction d’en construire de nouvelles. Il avait ensuite tempéré son propos :« Nous ne sommes pas pour l'interdiction des piscines : on a voulu me faire dire cela, ce que nous souhaitons, c'est une tarification sociale de l'eau via des régies publiques. Paris l'a déjà remis en place, Lyon et Bordeaux vont bientôt le faire. Ce qui nous importe, c'est d'interroger les usages de l'eau : remplir une piscine ne doit pas être mis sur le même plan que laver ses enfants. »
Le nombre de bassins privés à été multiplié par 2 en 10 ans et par 4 en 20 ans (700 000 piscines en 2000 et 3.2 millions en 2022). Cependant la taille des piscines a été réduite de 70 à 40 mètres cubes en 30 ans. Face à une situation de plus en plus criante depuis plusieurs années, les particuliers s'adaptent en commandant des bassins beaucoup plus petits, moins profonds et mieux équipés.
La Fédération des Piscinistes estime à 15 m3 par an et par piscine la consommation en eau pour la remise à niveau, soit 0,12% de la consommation d’eau en France, soit environ 1/3 du volume du bassin renouvelé chaque année. Cette consommation a été réduite de 45% en 25 ans. Elle représente 15% de la consommation d’eau annuelle de la famille propriétaire.
Pour rappel la consommation d’eau potable par personne est de 148 l/j soit 54 m3/an qui varie selon la région de 116 l/j dans le Nord à 322 l/j dans les Alpes Maritimes). Pour relativiser : 15 m3 d’eau par an représentent la consommation d’eau nécessaire pour produire 1 kg de viande de bœuf, où la quantité d’eau nécessaire à l’arrosage de 10 m² de pelouse pendant 1 mois. Des solutions d’économie existent : les couvertures à laisser sur la piscine de jour comme de nuit afin de limiter l'évaporation, l’absence de vidange complète de sa piscine chaque année, des pompes automatisées permettant de limiter la consommation…
Les questions à se poser :
1- Est-ce un besoin réel ou une mode que d’avoir sa propre piscine ?
Des piscines publiques existent. En France, ce sont 6 343 espaces de baignades soit 1 bassin pour 10 000 habitants (4 135 piscines dans 3 030 communes et 2 208 bassins publics).
La Cour des Comptes relèvent cependant qu’ils sont trop nombreux, mal dispersés sur le territoire et souvent mal gérés…
2- Quelles conséquences financières ?
Une piscine est forcément couteuse en construction (24 000 euros en moyenne), en entretien (produits couteux), en électricité pour la filtration et éventuellement le chauffage (300 à 800 euros/an selon différents critères : taille, puissance et performance du système de filtration, climat d’implantation, emplacement, matériaux, équipements – PAC, chaudière, capteurs, PV…)
3- Quelles conséquences environnementales ?
Des conséquences certaines en lien avec la pénurie d’eau, cependant, ces piscines sont devenues plus petites, plus économes voire plus écologiques. Elles sont souvent connectées et automatisées et donc mieux gérées.
Ces 3.2 millions de bassins représentent 600 000 tonnes de CO2 par an soient 200 kg de CO2/piscine/an.
4- Existe-t-il une solution de mutualisation entre voisins ?
Pour profiter d'une piscine déjà implantée, mais sans créer de nouvelles constructions, il pourrait être développé « une économie du partage» de ce bien entre voisins, comme cela a pu se voir sur d’autres sujets durant la pandémie de Covid-19.
5- Quelles conséquences économiques ? Des mesures coercitives empêchant la construction ou la première mise en eau des bassins, pourraient impacter la majorité des piscinistes qui sont des petites ou moyennes entreprises. Ces professionnels sont de plus en plus éco-responsables et engagés. Ce sont 1 400 entreprises (piscines et SPA). Le chiffre d’affaires des piscinistes a pourtant augmenté de 32% entre 2020 et 2021 avec 244 000 piscines supplémentaires!
Les points dont il faut tenir compte :
1- La possession de ces bassins peut néanmoins avoir l'avantage d'éviter des déplacements pour aller par exemple à la plage ou à la piscine publique, qui contribuent au réchauffement climatique
2- Les piscines sont aussi des réserves d'eau à disposition des pompiers pour éteindre les incendies, notamment car les secteurs les plus affectés par la sécheresse sont aussi souvent plus affectés par les incendies
3- La piscine reste encore un élément de valorisation d’un bien immobilier et reste un élément d’accès à une certaine démocratisation de luxe, d’un certain art de vivre et du bien-être