Incroyable condensé d'occupations humaines, à l'occasion d'une petite excursion hors de notre territoire, à Mouthiers-sur-Boëme, au sud d'Angoulême.
Le but de cette promenade était tout autre que celui qu'il a été au final, en traversant ce site privé, ouvert seulement aux piétons. Entrée libre et gratuite.
Le but initial de la visite était de découvrir le site archéologique départemental de la Chaire-à-Calvin! Déjà le nom interrogeait, et semblait sans lien avec un site préhistorique vieux de 15 000 ans... La Chaire-à-Calvin?
Finalement, ces 300 mètres de balade le long du ruisseau de Gersac, affluent de la Boëme, riche en libellules et demoiselles, nous permettent de relier dans le temps, et dans ce même lieu, un abri avec une paroi sculptée datée de l'époque Magdalénienne (15 000 ans), un vraisemblable site de prédication du Pasteur Calvin* dans un discours prononcé en 1520 sur la terrasse avancée de la paroi rocheuse, à coté de l'abri préhistorique, et depuis le XVI et surtout au XIXème siècle une implantation à proximité de bâtiments imposants témoins d'une riche histoire industrielle papetière, très active en Charente, et qui a fait vivre des générations d'habitants, aujourd'hui complètement disparue.
Le principal employeur de la commune est, actuellement, le groupe Lippi, leader sur le marché de la fabrication de grillage métallique. Certifiée ISO-9001, l'entreprise emploie près de 400 personnes sur six sites en France.
*Jean Calvin: théologien français, pasteur emblématique de la Réforme protestante du XVIème siècle, notamment pour son apport à la doctrine dite du calvinisme.
L'abri sous roche de la Chaire-à-Calvin doit son nom à ce protestant, qui serait venu prêcher la réforme du haut d'une chaire taillée dans le rocher. Il n'y a aucune preuve véritable de son passage mais c'est plausible, sinon vraisemblable (Calvin fut reçu par le curé de Claix, commune limitrophe).
C'est au XVIe siècle que les marchands papetiers flamands, porteurs des idées de Calvin viennent en Charente pour y faire fabriquer du papier et l'exporter via Rochefort dans toute l'Europe.
Le premier moulin connu sur la Boëme, date de 1561 à la Rochandry. En 1841 François Fougeret associé à Pierre Laroche font démolir le moulin à blé, ainsi que le vieux moulin à papier, et ils font construire en amont une papeterie, bâtiment en pierres de taille de 500 m² au sol et de 11 m de haut, avec deux niveaux de grandes fenêtres en plein-cintre en façade, qui est mise en route en 1843.
Puis les frères Laroche se séparent en 1881 : l'un garde l'usine à papier et l'autre s'installe dans un bâtiment plus récent.
Ce site proche d'Angoulême, situé sur la Boëme, est désormais désaffecté pour partie après avoir traversé l'Histoire du XXème. L'histoire de l'usine de Mouthiers est fortement liée à celle de ce siècle mouvementé et à ses événements politiques, économiques, nationaux et internationaux. C'est l'histoire du papier couché (Cf PDF en fin de publication).
Mais le XXIème siècle a enseveli les traces de son riche passé industriel. De magnifiques bâtiments encore majestueux, mais désaffectés se dressent dans une friche industrielle aux vitres cassées, aux portes cadenassées et au rails recouverts pour partie de bitume.
C'est malheureusement le cas de beaucoup de sites industriels délocalisés de certains de nos petits bourgs en Dordogne aussi, particulièrement dans l'industrie du papier. Déshérence et oubli, nostalgie d'un passé essentiel à faire vivre ces sites. Mais cela reste compliqué qu'il en fut autrement quand on sait les sommes astronomiques nécessaires à la réhabilitation des ces lieux emblématiques.
Des voies aveugles sur des portes définitivement fermées.
Concernant l'abri sculpté, d'accès libre et appartenant au Conseil Départemental de la Charente, voici les éléments de compréhension du site.
Pour mieux comprendre sur le fac-similé situé devant l'abri, l'exceptionnelle richesse de cette sculpture qui date de 15 000 ans et qui est exposée aux regards admiratifs de nos contemporains depuis sa découverte il y a 150 ans, mais aussi aux intempéries et aux lichens. Seule la tête de félin a été déposée au musée d'Angoulême.
Pierre David, qui a découvert la frise en 1926, l'a décrite de gauche à droite : « un bovidé sans tête, puis un équidé à ventre gravide et une scène d'accouplement de chevaux ...».
Deux autres sites préhistoriques existent sur la commune:
L'abri des Rois qui comporte des objets daté de l'Aurignacien ancien et des restes d'Homo sapiens.
Le Fort des Anglais, qui dut un habitat fortifié occupé durant le Néolithique et l'âge du bronze, au nord-est de la commune, qui est un retranchement préhistorique sur un éperon barré.
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