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4- L'eau, une problématique d'actualité

DOSSIER 4: LES MEGA BASSINES

Nous devons réinterroger nos usages de ce bien très précieux, l’eau, voire définir collectivement des priorités si la situation devait s’aggraver.


Dans une réflexion sur l’eau, problématique essentielle qui va nous frapper de plein fouet à la fois sur notre territoire mais aussi à l’échelle planétaire dans ce nouvel ordre économique mondial où l’environnement, et particulièrement les ressources en général et l'eau en particulier, seront incontournables, nous aborderons successivement cinq dossiers pour essayer d’apporter un regard utile à chacun sur ce besoin essentiel.

Nous avons évoqué précédemment, les piscines privées, notre consommation quotidienne, la récupération des eaux de pluie. Nous évoquerons ensuite le dernier sujet, celui du monde agricole.


Sujet polémique qui a donné lieu à des grandes manifestations en Poitou-Charentes ces dernières semaines. Les questions posées dépassent les méga bassines de Sainte-Soline!

Il existe un conflit entre deux types d'agriculture: une conventionnelle, intensive ou industrielle et une agriculture plus écologique et plus respectueuse des écosystèmes.

Se pose la question de la gestion d'un bien collectif: l'eau et de sa répartition de manière plus globale et plus juste dans le cadre de cet usage agricole notamment.

Du fait de la nécessité d'un effort de sobriété pour tous, cela interpelle sur notre capacité de maintien d'une agriculture française de qualité et aussi sur notre volonté et capacité d'indépendance alimentaire.

Cela oblige, non seulement à faire des études rétrospectives sur l'évolution de nos réserves en eau mais surtout de nouvelles études prospectives de projection, pour les prochaines décennies, de ce que sera l'évolution du climat et de la ressource.


Des données à connaitre:


1- L'agriculture et l'eau en France

  • Les précipitations en France représentent 175 milliards de m3.

  • La consommation d'eau potable est de 33 milliards de m3 soit 19% des apports, conforme à la moyenne européenne

  • L'eau consommée se répartit en 1/4 eau potable, 1/4 industrie et énergie, 1/2 agriculture.

  • La maïsiculture représente 50% de la consommation agricole d'eau soit 1/4 de la consommation française totale.

  • L'irrigation représente 10% des prélèvements d'eau en France.

  • 20% des exploitations agricoles bénéficient d'un système d'irrigation

  • 7.3 % de la Surface Agricole Utile (SAU) est irriguée soit 2 millions d'hectares, contre 5% en 2010. Chiffre de SAU irriguée multiplié par 3 depuis 1970. Certaines régions comme les Hauts-de-France ont augmenté de 78% leur surface irriguée!

  • Le Sud-Ouest représente 15% des surfaces irriguées

  • 60% de l'irrigation concerne le maïs. 30% de la production de maïs est irriguée.

  • 1 hectare de maïs nécessite 1000 à 3 000 m3 d'eau/an soit l'équivalent de la consommation de 400 personnes ou du remplissage de 10 piscines.

  • Les progrès de l'irrigation ces 30 dernières années ont permis de réduire d'un tiers la consommation d'eau à production constante (techniques de micro aspersion et de gouttes à gouttes)

  • Une autorisation d'irrigation est nécessaire si la surface est supérieure à 3 hectares et le prélèvement supérieur à 8 m3/heure

2- En Dordogne, un agriculteur sur deux irrigue

  • Dans le département de la Dordogne, un agriculteur périgordin sur deux irrigue. L’irrigation concerne ainsi 2 000 agriculteurs.

  • Ils prélèvent 30 millions de m3 par an pour l’irrigation, ce qui représente seulement 0,4 % de la pluviométrie annuelle. 25 000 hectares irrigués soit 8 % des surfaces agricoles et seulement 3 % de la surface du territoire départemental.

  • Une irrigation très diversifiée avec de très nombreuses productions sous des labels officiels de qualité.

  • La présence de 120 réseaux collectifs sur le territoire permet de maintenir une activité et une dynamique agricole en situation d’accès à l’eau difficile.

  • La Dordogne, c'est 90 500 hectares de COP (Céréales, oléagineux et protéagineux) soit 25% de la SAU. La maïsiculture représente 21 650 hectares pour une production cumulée (maïs et blé) de 345 000 tonnes à comparer aux 1.6 millions d'hectares français produisant 14 millions de tonnes de maïs.

3- Les arguments des producteurs de maïs

Si pas de maïs…

pas de jambon de Bayonne, de poulets des Landes ou de foie gras du Périgord!


L'irrigation


Deux visions s'opposent:

 

Celle des écologistes et de certains élus de gauche, de la Confédération Paysanne, de certains activistes, de "Les Soulèvements de la Terre", de Greenpeace et aussi du GIEC

Aux côtés de plusieurs organisations membres de PJC - Alliance écologique et sociale, dont la Confédération paysanne, Greenpeace s'oppose aux projets de « méga bassines », ces réserves d’eau gigantesques censées aider le secteur agricole à faire face au changement climatique. En réalité, selon eux, celles-ci accentuent la pression sur les ressources en eau, nuisent à la biodiversité et continuent d’alimenter un modèle agro-industriel dévastateur et inadapté.

 

Celle des promoteurs (La Coopérative de l'eau 79 portée par des agriculteurs et celle du gouvernement), de nombreux élus plutôt de droite, de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs

Le ministre de la Transition écologique convient qu'il "n'y a pas d'agriculture sans eau et il serait hypocrite de fixer trop de restrictions à l'agriculture française, ce qui nous pousserait à importer". Dans un entretien au journal Le Parisien, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a présenté le plan anti sécheresse du gouvernement. "Il y aura un avant et un après été 2022. La nature ne nous donne pas le choix". Pour lui, il est possible d'agir, "dans le cadre de la planification écologique [...] en améliorant la quantité et la qualité de l'eau disponible et la gestion des crises." Le premier objectif est de "diminuer d'un peu plus de 10 % le volume d'eau prélevée dans nos sous-sols d'ici à la fin du quinquennat. Soit une baisse de 4 milliards de mètres cubes sur un total de 33 captés chaque année". Questionné sur les méga bassines, il répond que, "la meilleure des retenues d'eau, c'est la nappe phréatique, naturelle et sans effet d'évaporation". Mais de nuancer : "La question des bassines dépend des territoires : quand on prélève sans se poser de questions, c'est un problème, quand on cherche à maintenir une capacité à nourrir des animaux, cela peut avoir une vertu." S'il demande aux agriculteurs d'être sobres, il convient qu'il "n'y a pas d'agriculture sans eau et il serait hypocrite de fixer trop de restrictions à l'agriculture française, ce qui nous pousserait à importer". Parmi les pistes pour réduire les prélèvements d'eau, il évoque la création « d'une forme d'EcoWatt de l'eau », à l'instar du mécanisme testé depuis cet hiver pour prévenir les coupures d'électricité. On y trouvera l'état des tensions dans le secteur où l'on réside et des conseils simples de gestion car beaucoup de Français sont prêts à agir ».

 

Les implantations actuelles ou en devenir

La situation du Marais Poitevin


Deuxième plus grande zone humide de France après la Camargue, le Parc du Marais Poitevin recouvre 110 000 hectares. L'implantation des méga bassines représente, pour chacune, l'équivalent de 10 terrains de football. Elles représenteront à terme 200 hectares artificialisés et plastifiés.

25 bassins existent déjà en Vendée dont certains ont plus de 15 ans d'âge. 1 000 projets sont prévus à terme en France.

Un point de vigilance: le Marais Poitevin labellisé Parc Naturel a vu son label retiré de 1996 à 2014 à cause d'assèchements de zones humides par les céréaliers, sur une surface de 33 000 hectares. Il existe, à nouveau, une menace sur son rôle essentiel d'"éponge" et de préservation d'un équilibre hydrologique.


La controverse


Des "bassines", pourquoi et pour qui ?

Il était prévu de construire 19 réserves d’eau le long de la Sèvre niortaise : 15 dans les Deux-Sèvres, 2 dans la Vienne, 2 en Charente-Maritime. 153 kilomètres de canalisation seraient nécessaires le long du bassin de la Sèvre niortaise, entre la Vienne et le Marais poitevin.

Pour chaque "bassine", il faudra creuser le sol, parfois jusqu'à 15 mètres de profondeur, et bâtir des digues.

Selon le projet de départ, les 19 réserves doivent servir à alimenter 230 exploitations (sur les plus de 8.000 que comptent les Deux-Sèvres).

8.6 millions de mètres cubes d'eau seront stockés dans ces réserves de substitution sur treize communes dans les Deux-Sèvres.

Les réserves ne sont pas alimentées par l’eau de pluie. L’eau est prélevée dans le sol (cours d'eau, nappes) durant la période hivernale.

Le projet est porté par la Coopérative de l’eau 79, société coopérative fondée par des agriculteurs.


Combien ça coûte et qui paie ?

Le coût global avoisine les 60 millions d’euros dont 70% d’argent public.

Le principal bailleur de fonds est l’Agence de l’Eau Loire Bretagne. Celle-ci a donné son accord de principe le 9 novembre 2017 pour contribuer à hauteur de 28,4 millions d’euros. La Région Nouvelle Aquitaine, sollicitée pour financer les bassines, a fait savoir en juin dernier qu'elle n'apporterait pas, quant à elle, l'aide réclamée, du moins dans l'immédiat…


Les arguments des "pour"

  • Sécurisation des apports et optimisation des réserves pour les irrigants

  • Irriguer c'est végétaliser et végétaliser c'est attirer les précipitations par évapotranspiration.

  • Végétaliser c'est aussi, développer une nouvelle biodiversité autour des bassins.

  • Les prélèvements ne se font dans la nappe phréatique que si celle-ci déborde (capteurs de mesure piézoélectriques ) et alimente les ruisseaux.

  • Les 19 réserves vont permettre de stocker de l’eau durant l’hiver, ce qui évitera d’en prélever en été. Le nombre de points de prélèvement l’été va ainsi être ramené de 600 à 300. L'étude d'impact mettrait en évidence, selon les secteurs du bassin, sur la période d'été, un gain de débit des rivières de l'ordre de 4 à 60 % et une remontée des nappes de 0,2 à 7 mètres?

  • Si l'on n’anticipe pas le réchauffement climatique en se dotant d’outils pour stocker l’eau, c’est l’élevage qui va disparaître à terme, mais aussi l’emploi direct et indirect en milieu rural. Il s’agit de préparer l’avenir de l’agriculture et du monde rural pour les 20 à 30 ans qui viennent.

  • Les agriculteurs concernés promettent de s'associer à un changement de modèle agricole, en remplaçant les plantes avec un besoin d'eau l'été par des plantes à besoin d'eau printanier quand l'eau manque moins.

  • L'obligation à une agriculture plus "industrielle" du fait des besoins économiques nationaux et internationaux: pression du rendement, remboursement d'échéances bancaires, confrontation à des importations concurrentielles à prix plus bas, prix élevés des intrants...

  • La conformité des pré études du BRGN du 17 juin 2022 (en annexe 1). Cependant, le BRGN a "tweeté" un avis plus mesuré le 09 aout 2022: "Tant que les seuils de prélèvements sont respectés en hiver, les bassines seraient favorables et cela très localement"...

  • La possible mise en place de mesures compensatoires. A l'image du département de la Vienne, sur les mêmes controverses, il a été institué, pour améliorer l'acceptabilité du projet, des mesures de compensation: les agriculteurs s'engagent à réduire leurs prélèvements d'eau de l'été de 40%, de réduire leurs usages des intrants de 50%, de restaurer 22 km de cours d'eau et de restaurer 100 km de haies.

Les arguments des "contre"

  • L'eau est un bien commun et personne ne peut s'accaparer la ressource.

  • L'irrigation concerne des cultures gourmandes en eau, souvent intensives, moins adaptées à la sécheresse. Il y aura peu d'intérêt pour les cultures maraichères entrainant une iniquité entre les irrigants (20%) et les autres agriculteurs (80%).

  • Dans ses bassins de stockage , l'été, s'évapore entre 20 et 60% de l'eau. La taille de 10 hectares est d'ailleurs remise en cause pour préférer des bassins plus petits. Des procédures sont en cours car certaines dispositions pour autoriser ces réserves sont contraires aux Directives européennes sur l'eau.

  • L'eau est stagnante, de moindre qualité et est victime d'eutrophisation (accumulation d'azote et de phosphore, développement d'algues…)

  • Ces cultures irrigués provenant de grosses exploitations de l'économie agroindustrielle, essentiellement le maïs, concernent l'alimentation de l'élevage industriel (porcs, volailles) non vertueux et polluants pour le sol, l'air et l'eau. Parfois ces cultures irriguées alimentent même des méthaniseurs!

  • La consommation de protéines animales en France est trop importante: 45% et il n'est cohérent de produire autant de maïs.

  • Il n’est pas normal selon les "contre" que le contribuable finance 70 % d’un équipement destiné à un usage économique privé. L’argent de l’agence de l’eau provient, en effet, en partie des taxes prélevées sur les factures d’eau que paie le consommateur. Le projet ne fait qu’encourager une agriculture gourmande en eau, totalement dépassée à l’heure du réchauffement climatique. Prélever davantage d’eau en hiver, c’est réduire l’écoulement de l’eau douce vers la mer ce qui met en péril d'autres activités économiques comme la production d’huîtres et de moules. L'eau qui va vers la mer en hiver n'est pas perdue… Elle y est utile !

  • Le modèle économique de ce type de stockage est obsolète et l'important financement public devrait être redirigé vers d'autres modèles plus vertueux et de pratiques durables: agroécologie, agroforesterie, reforestation, développement de prairies, hausse des valeurs ajoutées sur le revenu, investissement sur l'autonomie alimentaire d'un territoire, accompagnement sur la transmission des fermes et aides à l'installation.

  • Que faire si dans quelques années, avec le réchauffement climatique, les niveaux d'eau dans les nappes restent désespérément bas durant les hivers, de même que ceux des sols et des rivières? Aura-t-on ainsi investi dans une solution à trop de court terme et des projets délétères pour les prochaines années?

  • Le GIEC a donné un avis prudent: "parfois utiles, mais couteuses, peu efficaces, insuffisantes avec des impacts négatifs sur l'environnement".

  • Enfin, l’Agence Régionale de Santé (ARS) a émis un avis défavorable au projet à cause des risques pour l’eau potable.

  • Le modèle des méga bassines est remis en cause dans plusieurs pays, en Australie et en Espagne. Pour mémoire, le stockage des eaux de pluie en France est de 2.7% contre 21% en Espagne.

La problématique essentielle qui devrait faire le lien entre les "pour" et les "contre" de ces infrastructures, est celle de la nécessité absolue, pour la réflexion et les choix, d'avoir des études prospectives, n'existant pas actuellement, sur le moyen terme en lien avec le réchauffement climatique et la sécheresse hivernale.

 

Annexe 1:

 

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