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Balade au pays de la fraise et de la châtaigne

Loin de la fureur de l'actualité terroriste internationale et maintenant nationale, une petite pause pédestre s'imposait ce dimanche, dans un week-end très rugbystique... Je vous rassure uniquement comme spectateur ou téléspectateur (magnifiques matchs samedi CAP/Narbonne et plus tard Nouvelle-Zélande/Irlande, exceptionnels tous les deux, et hier soir le quart de finale entre les bleus et les Springbox vert et or et le résultat que l'on sait.


Sur ces derniers jours, la temporalité et l'immédiateté de ces évènements dramatiques et violents avec des moments de célébrations festives restent très perturbantes pour chacun d'entre nous et nous obligent à trouver des mécanismes de défense pour gérer psychologiquement, au quotidien, ces informations contradictoires dans leurs teneurs et déstabilisantes. Pour certains c'est le jardinage, la musique, la lecture, le sport, pour moi ce sera cette connexion avec la nature et avec notre territoire qui m'apportera ces temps de respiration et de réflexion essentiels. Je vous le propose en partage.

Petite balade, donc, de 14 km, en Périgord Central, entre Eglise-Neuve-de Vergt et Vergt, près du centre équestre de la Poussière, sur une boucle Visorando intitulée "Autour de Gandy" en partie sur les parcours de randonnée identifiés du Grand Périgueux: la boucle de la Pichardie et la boucle des crêtes. Un magnifique temps d'automne.

L'occasion, entre autres, de partir à la rencontre des producteurs locaux bien représentés sur cette balade proche de Vergt: les fraisiculteurs et les castanéiculteurs.


La fraisiculture


Au cœur de la Dordogne, dans le canton de Vergt, la fraise a trouvé une terre de prédilection. Cette partie du Périgord central est le premier territoire français à avoir obtenu l'IGP pour des variétés riches en goût, mais cultivées en pleine terre.


La fraisiculture proprement dite commença réellement après la Seconde Guerre mondiale. Les agriculteurs du canton Vergt étaient un peu les parents pauvres, à l'époque, entre les éleveurs de vaches limousines au nord et les vignes du Bergeracois. Dans les années 1960, ils ont profité de l'engouement pour la fraise. C’est dans ce canton que la culture s’intensifie plus particulièrement ; si bien qu’un négociant, M. Maury, organise la collecte régulière des fruits rouges pour leur revente. Les paysans changent de production pour se spécialiser progressivement dans cette nouvelle culture attractive.

Le paysage est modifié totalement : les forêts de châtaigniers sont défrichées, des tunnels en plastique blanc couvrent le sol et des étangs sont creusés pour irriguer les champs. La création de différentes variétés a permis d’allonger la période de récolte des fraises et d’installer une réelle économie agricole. Entreprises de fournitures, revendeurs et même arrivée d’une main d’œuvre étrangère s’installent dans le canton.


En Dordogne, la fraise a connu son âge d'or jusqu'au début des années 1980. Au sein des forêts du Périgord central, les fraisiers ont été plantés sur des sols siliceux acides propices. Des clairières se sont ouvertes un peu partout sur les coteaux.


La fraise y a connu un développement spectaculaire : 400 hectares et 2 000 tonnes en 1962, 1 330 hectares et 24 700 tonnes en 1990. La Dordogne dénombrait 1 330 producteurs en 1988. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 200. En vingt ans, les surfaces ont pratiquement été divisées par quatre.


Le département, qui produisait 18 260 tonnes de fraises en 1995, n'en livre plus que 7 500 tonnes, soit 20 % du volume national. Il fait pâle figure à côté des 350 000 tonnes exportées.


Aujourd'hui, les fraisiculteurs, dont 45 % vont partir à la retraite dans les dix ans, doivent préparer l'avenir. La pénibilité du métier et la concurrence de l'Espagne, du Maroc mais aussi maintenant de l'Allemagne et de la Belgique, qui profitent de coûts de production inférieurs, ont raison des vocations.

De plus, longtemps numéro un en France, la Dordogne a été supplantée par le Lot-et-Garonne, qui a pris le virage de la modernité avec ses serres chauffées et ses cultures hors-sol (80 % de la surface, contre 40 % en Dordogne).


Nos fraisiculteurs ont pourtant la chance d'avoir à Douville, au cœur du secteur de production, le centre de création variétale de la fraise et des fruits rouges, le CIREF. Financé en partie par les cotisations des producteurs, il a été créé par eux en 1980 pour faire face à l'arrivée des fraises espagnoles. Une quinzaine de variétés différentes sont nées, dont la Cirafine, la Ciflorette, la Cigaline, et la Charlotte en 2004. « Il a été décidé de se différencier par le goût, en commençant par la promotion de la Gariguette comme drapeau.


Les fraisiculteurs peuvent aussi compter sur la notoriété du Périgord. Installé depuis 1985 dans le canton de Vergt à Cendrieux, Franck Pernot du Breuil, a œuvré pour l'obtention en 2004 de l'indication géographique protégée (IGP) pour les cultures de fraises de plein champ. Cinquante pour cent du volume annuel périgourdin est éligible, mais seule une partie part réellement en signature sous ce label en grande distribution.


1 500 tonnes sont sous le label IGP Fraises du Périgord, les autres sont commercialisées "Fraises du Périgord".

Les fraises du Périgord sont des fraises entières de pleine terre, de catégorie extra ou 1, elles sont plantées en juillet pour être cueillies au printemps suivant et sont disponibles six mois dans l’année, de fin avril à mi-octobre. Déclinées en huit variétés sélectionnées pour leurs qualités gustatives et agronomiques, on trouve les fraises gariguette, darselect, cléry, murano et favori d’avril à juin, puis cirafine, mara des bois et charlotte donnent des fruits deux fois dans la saison, de mi-mai à octobre.

Après la cueillette à la main, chaque lot est noté et différents points évalués, taux de sucre, coloration, fermeté, calibre, forme, brillance, présentation. Il faut un minimum de 9/15 pour apposer le logo « Fraise du Périgord ».

De la production au conditionnement en barquettes de 250 g et 500 g, soixante points de contrôle garantissent leur qualité, jusqu’aux délais entre la cueillette et l’expédition pour permette à ce fruit cueilli à maturité optimale d’exhaler des parfums et une saveur incomparable.

Diététique et gourmande, elle a des pouvoirs antioxydants et se déguste crue pour préserver sa richesse en vitamines C, B9 et A (bêta-carotène).

L’enjeu est d'obtenir que Bruxelles intègre dans l'appellation les cultures de hors-sol (comme ici dans cette exploitation rencontrée sur la balade) qui répondent au cahier des charges : qualité gustative, sélection variétale, une pratique culturale respectueuse de l'environnement, une cueillette à maturité optimale, etc.

Le hors-sol a l'avantage de permettre, plus facilement que le plein champ, de développer la lutte intégrée contre les parasites et donne de meilleures conditions de travail.

La fraise, exigeante en minéraux et en oligoéléments épuiserait la terre, obligeant une rotation des parcelles impossible à assumer pour une exploitation de taille familiale et du défrichage de nouvelles parcelles actuellement boisées. La mise en place d’insectes auxiliaires dans les tunnels limite l’arrivée de maladies et de nuisibles et réduit l’utilisation de produits chimiques.

Les fraisiers sont plantés sur des substrats, eux-mêmes posés à hauteur d'homme, composés de terreau et d’écorce de pin, installé en gouttière et conservé sous abris afin de préserver la lumière essentielle à la production tout en augmentant la température.

Allier les deux modes de production facilitera la gestion et l'étalement du calendrier de production. Ce dernier point est essentiel, car il permet d'offrir des contrats de longue durée et donc de garder une main-d’œuvre difficile à fidéliser.

Mais avant tout, le consommateur devrait être informé de la traçabilité de la fraise qu’il mange, comment elle a poussé, et les traitements qu’elle a reçus.


Aucune indication de traçabilité ne permet au consommateur, actuellement sur un marché comme celui de Vergt ou de Périgueux, de faire son choix en toute transparence.

A noter, pour faire le lien avec la fin de notre publication, qu'autour de cette exploitation et de celle décrite ci-dessous, l'entretien du site est parfait, aucun déchet de plastique agricole, et en face de chaque tunnel du fraisiculteur des ballots bleus (comme sur la photo) de plastiques recyclables en partance pour une économie circulaire. Un bon point!


La castanéiculture

Quelques infos historiques pour les passionnés de l'histoire de nos châtaigneraies:

La châtaigneraie périgourdine - Depain - Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1936 7-4 pp. 340-365


La châtaigne est une production emblématique. Elle occupe en Dordogne plus de 130 entreprises (agricoles, forestiers, artisans et industries du bois) et représente un secteur majeur de développement et d’enrichissement local.

La production de fruits occupe environ 170 ha avec plus de 100 producteurs (dont 65 ayant une activité principale agricole).

En France en la récolte 2020 représente 1/10 de celle de 1960. Ce sont 12 000 tonnes annuelles produites surtout en Ardèche. En Périgord, nous produisons 1 000 tonnes annuelles avec 50% écoulé via la coopérative de producteurs "La Périgourdine".


La "Bouche de Bétizac", est la variété la plus produite en France. Il s'agit d'un hybride né à l'Inra dans les années soixante d'un mariage entre "Castanea sativa" et "Castanea crenata".

De très grosses châtaignes, ce qui plaît aux consommateurs, et très productives (plus de 3 tonnes à l'hectare) ce qui plaît aux castanéiculteurs. Et en plus, cette grosse châtaigne séduit l'œil par son aspect brillant, rouge châtain virant au marron foncé...Autre avantage, la Bouche de Bétizac résiste au cynips, un insecte ravageur du châtaignier.

Des photos de nos futaies sauvages et de la culture raisonnée des noyers et des châtaigniers. Des fruits cultivés, irrigués et ramassés mécaniquement!

Une drôle de machine: avant, pendant et après son passage. Terriblement efficace et ... sans épine dans les doigts!

Le reste de la balade

A proximité d'Eglise-Neuve-de- Vergt, un jardin potager exceptionnel en toutes saisons car nous l'avions déjà admiré au printemps. Chapeau le perfectionniste!

Saison de la mycologie avec un amadouvier( photo du milieu) et une probable Vesse-de-loup (photo de droite). Avis aux spécialistes.

La glandée pour les sangliers. Bon appétit!

Allez... pour terminer sur une note un peu amère, grâce à la photo ci-dessus, celle d'un chemin du Périgord Central parcouru aujourd'hui, pour mettre de la perspective temporelle dans l'ordre naturel des choses, faire de la pédagogie et y positionner l'humain.

Sur cette photo, un condensé de l'horloge cosmique: un promeneur que vous ne voyez pas car c'est lui qui est le photographe (espérance de vie d'une vingtaine d'année au mieux...), des bogues de châtaignes de 2023 qui auront disparu dans l'année grâce aux ramasseurs, sangliers et autres insectes xylophages, des galets du crétacé présents depuis la dernière extension marine sur l'Aquitaine (145 à 65 millions d'années) et encore là pour plusieurs centaines de millions d'années et ... des plastiques agricoles dont la durée de vie reste encore de 400 ans, soient 8 générations d'humains...

Rassurez vous, ceux-ci ont été ramassés et seront adressés au SMD3, mais pour être enfouis ou incinérés peut-être !

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