Après nos nombreuses publications précédentes sur la dérive et les dangers d'une médecine à deux ou trois vitesses et la difficulté d'accès aux soins pour de nombreux de nos concitoyens, un interview du Professeur Pierre Dubus, Doyen de l'Université de Médecine de Bordeaux, outre le courage de ses propos, révèle une faillite également de la réforme des études médicales depuis 2020, avec une privatisation de la formation qui débute dès les classes de premières de nos établissements scolaires. C'est l'intervention de prépas privées coûteuses qui créent une inégalité sociale d'accès au savoir favorisant de futurs bacheliers issus de milieux familiaux plus aisés, une inégalité de valeurs avec le risque de sélection de futurs médecins plus bachoteurs qu'humanistes, une inégalité sur le plan du travail personnel et du mérite...
Platon disait "la médecine est un art fondé sur un savoir, et non un ensemble de recettes. ". La médecine, un art ou une science ? Vaste débat. Prendre soin de l'autre est un ensemble de valeurs: la sollicitude, la bienveillance, la compassion, l'amour parfois, voire un devoir, dans certains métiers, et ce sont cette valeur et ce devoir qui font de la médecine ce qu'elle est : non simple science, ni simple technique, ni simple artisanat... mais art véritablement.
La médecine est l'art, scientifiquement informé, de soigner.
POUR CEUX QUI MAITRISENT LE CURSUS MEDICAL, PASSEZ DIRECTEMENT AU CHAPITRE (3)
POUR LES AUTRES, PETIT RAPPEL SUR LE CURSUS (1), LA REFORME DE 2020 ET LES PREPAS PRIVEES (2).
1- Le contenu des études de Médecine (Extrait brochure ONISEP)
Pour devenir médecin, il faut compter 10 ans d’études après le bac à l’université pour les généralistes et 10 à 12 ans pour les spécialistes. La formation débouche sur le DE (diplôme d’État) de docteur en médecine, obligatoire pour exercer.
Les études de médecine, ce sont 10 à 12 ans de formation dense où les étudiants passent des amphis aux stages à plein-temps, à l'hôpital le plus souvent.
L'accès aux études de médecine
Une trentaine d’universités en France proposent un cursus de médecine.
La nouveauté depuis 3 ans est que pour les lycéens, l’accès se fait via deux parcours proposés par les universités : le PASS (parcours d’accès spécifique santé) et la L.AS (licence avec option accès santé). L'admission s'effectue à partir des résultats obtenus lors de ces parcours et éventuellement d'épreuves complémentaires (cf accès détaillé plus bas). Le système a été modifié pour se rapprocher du système LMD (Licence Master Doctorat) commun au niveau européen (Licence Master Doctorat).
Le 1er cycle : les bases du médical
Pour les candidats admis en médecine, après la première année, le 1er cycle (2ème et 3ème années) vise à apporter les connaissances scientifiques nécessaires à l'exercice d'une profession médicale et à étudier l'homme sain et l'homme malade.
Au programme : sémiologie (étude des signes cliniques et des symptômes des maladies), physiologie, anatomie, microbiologie, etc. Les premières notions de pathologie, de pharmacologie ou de bactériologie apparaissent. S’y ajoutent des enseignements optionnels : philosophie des sciences, anglais médical, histoire de la médecine ou informatique médicale.
La pratique commence avec un stage infirmier de 4 semaines à temps plein. Puis, au minimum 12 semaines de stage à l'hôpital sont prévues sur les 2 ans, dans des services généraux ou spécialisés, par exemple en dermatologie, en réanimation, en cardiologie, etc.
En fin de 3e année, les étudiants obtiennent le DFGSM (diplôme de formation générale en sciences médicales), reconnu au niveau licence.
Le 2e cycle : approfondissement et pratique clinique
Le 2e cycle ou externat (4, 5 et 6e années) de médecine permet d'acquérir une formation médicale complète, axée sur les pathologies, leur thérapeutique et leur prévention. Au programme : gériatrie, appareil locomoteur, neurologie, cancérologie, pédiatrie, etc. Les étudiants acquièrent le minimum à savoir dans chaque spécialité.
La pratique clinique occupe de plus en plus de temps. Les externes sont à la fois étudiants et salariés de l’hôpital, et touchent une rémunération variable selon l'avancée du cursus. Certains stages sont obligatoires (par exemple médecine d'urgence, chirurgie à l'hôpital, etc.), d'autres libres. Au minimum 25 gardes sont à effectuer sur les 3 ans, principalement aux urgences.
La procédure d'admission en 3e cycle repose sur : une évaluation des connaissances sous forme d'épreuves dématérialisées ; une évaluation des compétences lors de stages ou de simulations (les examens cliniques objectifs structurés ou ECOS); la prise en compte du parcours de l'étudiant et de son projet professionnel. Les étudiants sont alors affectés dans une spécialité et un lieu d’exercice selon leurs vœux et leur classement.
À la fin de la 6e année, les étudiants obtiennent le DFASM (diplôme de formation approfondie en sciences médicales), reconnu au niveau master.
L’internat : vers une spécialité de médecine
Il existe 44 spécialités de médecine : 13 spécialités chirurgicales (chirurgie vasculaire, gynécologie-obstétrique, etc.) ; 30 spécialités médicales (psychiatrie, pneumologie, radiologie et imagerie médicale, etc.) et la biologie médicale. Selon les spécialités, le nombre de places, en France, ouvertes chaque année varie fortement : en 2023-2024, 28 places en neurochirurgie, 509 en anesthésie-réanimation, 3 645 places en médecine générale, etc.
Le 3e cycle ou internat de médecine dure 4 à 6 ans. Il est organisé en trois phases : le socle (1 an) qui revient sur les bases de la spécialité ; l’approfondissement (2 à 3 ans) pour commencer à s’autonomiser ; la consolidation (1 à 2 ans), sous statut de docteur junior, qui place l’étudiant en autonomie supervisée par un senior.
Les internes effectuent des stages semestriels tout en conservant quelques enseignements théoriques. C’est le cas des futurs généralistes avec 8 stages chez le praticien. Membres d’une équipe médicale, ils acquièrent une autonomie qui va croissant avec l'expérience mais ils restent toujours sous la responsabilité des praticiens qui les forment. Par ailleurs, ils préparent une thèse d'exercice.
Après avoir validé stages, enseignements et mémoire, les internes obtiennent le DE de docteur en médecine, assorti du DES (diplôme d’études spécialisées) de la discipline suivie.
2- Le nouveau Parcours Accès Santé Spécifique (PASS)
Jusqu’à la rentrée 2019, la première année commune aux études de santé (la PACES) constituait la voie de passage conventionnelle en France pour accéder aux études des cinq professions de santé, à savoir médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, kinésithérapeute et pharmacien. Les étudiants étaient amenés à passer plusieurs concours, le nombre de lauréats dans chaque filière étant limité par un numerus clausus très sélectif.
Mais depuis la rentrée 2020, pour mieux répondre aux besoins en santé et garantir des formations de qualité sur l’ensemble du territoire, le gouvernement a complètement réformé les études de santé.
La PACES est désormais remplacée par le Parcours accès santé spécifique (PASS), qui donne lui aussi accès aux filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie (MMOPK). À noter également la création de la Licence option Accès Santé (L.AS), via laquelle il est possible d’intégrer la deuxième année des études de santé.
Après le bac, deux voies permettent désormais d’accéder aux études de santé : le Parcours accès santé spécifique (PASS) et la Licence option Accès Santé (L.AS).
Le numerus clausus est quant à lui remplacé par le numerus apertus : chaque université, en collaboration avec les Agences régionales de santé, définit un nombre minimum de candidats à former pour une période de cinq ans, dans les différentes filières de santé, sur la base d’orientations nationales. Ainsi, pour les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé, les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021-2025 sont en médecine, pour l’exemple, 51 505 étudiants — un seuil minimal d’objectif de formation a été fixé à 48 850 futurs médecins et un seuil maximal à 54.160, correspondant respectivement à -5% et +5% des capacités de formation.
L’admission en 1er cycle dépend toujours des résultats obtenus au PASS. À noter toutefois que le redoublement n’est plus permis : un candidat qui n’aurait pas les résultats suffisants pour continuer dans l’une des filières MMOPK peut en revanche intégrer une deuxième année de L.AS, puis retenter sa chance. Et s’il ne valide pas 60 ECTS au minimum à l’issue du PASS, il devra nécessairement se réorienter vers une autre formation.
Malgré la réforme des études de santé, le nombre de places pourvues reste limité par la capacité d’accueil des universités et le PASS de médecine reste l’une des filières post-bac les plus difficiles.
En moyenne, les taux de passage en seconde année de médecine se situent aux alentours de 11-12%. Lors de cette première année, particulièrement éprouvante, les cours sont denses, la charge de travail est énorme et repose en grande partie sur la mémorisation.
Le rythme de travail, qui ne laisse guère de place aux loisirs, peut être difficile à appréhender et à maintenir pour les néo-bacheliers, qui viennent à peine de quitter le cadre rassurant du lycée — et qui ne sont pas habitués à travailler en totale autonomie.
Ainsi, depuis plusieurs années, de nombreux organismes privés proposent un accompagnement en parallèle des études de santé, afin de préparer aux mieux les étudiants au concours de médecine. Les séances de cours et de tutorat ont généralement lieu les soirs et les week-ends ; le programme inclut également des stages intensifs pendant les vacances scolaires. Certains de ces organismes proposent même un accompagnement au plus tôt, dès le lycée, pour les élèves qui envisagent des études de santé.
C’est la grande modification amenée par la refonte des voies d’accès. Depuis la suppression du redoublement, la seule alternative pour l’étudiant est de retenter sa chance via une L.AS2 (formation dans laquelle les reçus sont nettement plus limités). Cela a pour effet de diminuer drastiquement ses chances d’accéder en deuxième année car les places du numerus sont réparties par la faculté sur l’ensemble des voies d’accès (PASS, LAS 1, 2 et 3). Ces facteurs expliquent qu’aujourd’hui 75% des étudiants en première année ont recours à une classe préparatoire privée en 1ère année. La concurrence et la fin du redoublement poussent une grande partie des étudiants à maximiser leurs chances en intégrant une prépa PASS en parallèle, surtout pour les étudiants ayant besoin d'une structuration pour le travail à la maison car le tutorat par ses pairs est nettement moins couteux (15 à 30 €/an) et plus convivial!
Coût de la rentrée 2022 selon le Quotidien du Médecin: jusqu’à 19 300 euros par an en médecine, les prépas privées en augmentation!
Le coût de la rentrée pour les étudiants en médecine a connu une augmentation significative en 2022, selon l’Association nationale des étudiants en médecine de France : 19 300 euros pour une année en PASS avec tutorat et prépa privée, contre 17 440 euros en 2021. L’Anemf vient de publier l’indicateur du coût de la rentrée 2022 pour les étudiants en première année (PASS et LAS) et en quatrième année (DFASM1). Elle estime que plus de 50 % des étudiants en PASS ont recours à une prépa privée, contre plus de 70 % d’entre eux en Île-de-France.
Le président de l’Anemf, Yaël Thomas, attribue principalement cette hausse à « l’augmentation du prix des prépas privées en PASS (+ 27,70 % en un an), mais aussi à la flambée des frais mensuels de la vie courante, en raison de l’inflation ». Et de rappeler que les organismes privés ne sont soumis à aucun encadrement, donc « tant qu’ils auront des demandes, ils se permettront d’augmenter les tarifs. Ils capitalisent sur la peur des étudiants liée la réforme du premier cycle des études de santé ».
Les prépas privées, en moyenne 212 fois plus chères que le tutorat universitaire, avec des résultats assez identiques.
Si l’on rentre dans le détail des chiffres, les frais spécifiques de rentrée - frais de scolarité, complémentaire santé, assurance logement, frais d’agence et matériel pédagogique – s’élèvent à 1 375 euros (+ 17,3 % en un an) en PASS avec tutorat sans prépa privée, contre 6 760 euros avec une prépa privée. La facture grimpe même à 8 593 euros en région parisienne ! D’après les calculs de l’Anemf, le coût d’une prépa privée équivaut en moyenne à 212 fois celui du tutorat sur tout le territoire... Cette augmentation des frais spécifiques de rentrée est moins sensible en LAS (1 320 euros avec tutorat sans prépa privée, 4 143 euros avec prépa privée), soit respectivement une hausse de 13,7 % et 14,2 % en un an. Pour l’entrée en deuxième cycle (DFASM 1), ces frais grimpent à 3 855 euros (+ 3,94 %). Quant aux coûts mensuels de la vie courante (loyers, repas, équipements divers, téléphonie, internet et transports), ils progressent de 3,2 % pour atteindre 1 045 euros en PASS, LAS et DFASM1. Pour défendre un « égal accès au savoir pour tous », un syndicat étudiant, l’Anemf fait les 5 propositions concrètes suivantes:
Un accompagnement des tutorats par les universités, via un soutien matériel, financier et pédagogique, pour les étudiants en PASS et LAS.
La mise en place d’un référentiel unique, gratuit et adapté à la réforme. L’achat de l’ensemble des référentiels neufs nécessaires à la préparation des ECNi/EDN représenterait une dépense de 1 382 euros. Or, leur actualisation fréquente, exacerbée par le nouveau programme de la réforme, empêche généralement l’achat de référentiels d’occasion.
L’inscription des livres universitaires en qualité de livres scolaires pour autoriser la vente à prix réduit par les associations étudiantes.
La rénovation des internats et une prime pour les transports. La réforme du deuxième cycle engendre également des coûts supplémentaires pour les étudiants, puisqu’elle favorise leur mobilité sur les territoires afin de leur faire découvrir les différents modes d’exercices en dehors des CHU. Sauf que, nombre de stages en périphérie sont situés à plus d’une heure de route du logement de l’étudiant… L’Anemf demande donc la création, le développement et la rénovation des internats en hébergements territoriaux des étudiants en santé. Mais aussi l’extension de l'indemnité d'hébergement de 150 euros brut pour les stages ambulatoires en zones sous-denses (mise en place par le Ségur) aux stages réalisés en centres hospitaliers et une révision de l’indemnité de transport basée sur la grille de remboursement kilométrique de la fonction publique, sachant que l’indemnité mensuelle forfaitaire de transport (130 euros) dédiée aux stages en périphérie « ne couvre plus les frais de déplacement pour de nombreux étudiants ».
Une revalorisation alignée sur la rémunération des étudiants stagiaires. Le syndicat alerte sur la faible rémunération des étudiants hospitaliers (salaire horaire net moyen de 2,50 euros, pour une moyenne de 4 heures par jour et de 22 jours ouvrés par mois). Malgré la revalorisation du Ségur et l’augmentation du point d’indice, « il persiste une différence incompréhensible avec la rémunération des étudiants-stagiaire de l’enseignement supérieur (3,90 euros/heure, NDLR) », observe l’association. Un fossé accentué par « la perte de 100 euros par mois due à la réforme des APL cette année », poursuit l’association.
Le Cours Thalès est une prépa médecine située à Paris, qui propose des stages de préparation à la première année de médecine pendant les vacances scolaires des classes de Première et Terminale. Cette prépa médecine anticipée permet non seulement à l’élève d’acquérir une méthodologie de travail adaptée et efficace, mais aussi de se constituer une solide base de connaissances scientifiques. Une façon de mettre toutes les chances de son côté pour réussir la première année de médecine, mais aussi d’accéder à la filière santé de son choix à l’issue du concours. Une telle préparation est d’autant plus utile depuis que le redoublement n’est plus autorisé et qu’une deuxième voie d’accès (L.AS) limite le nombre de places accessibles via le PASS.
3- L’avis désabusé de Pierre Dubus, doyen de la faculté de médecine de Bordeaux : "Bientôt, nous aurons des facs de médecine privées"
Article de Pauline Bluteau – L’Etudiant EducPros - publié le 06.11.2023
Doyen de la faculté de médecine depuis 2014, Pierre Dubus quittera ses fonctions en décembre prochain.
Durant ses deux mandats, il a vu défiler les différentes réformes des études de santé, de la réorganisation de l'internat à la mise en place de la réforme PASS-L.AS.
Des évolutions nécessaires mais qui ont aussi bouleversé l'université.
Trois ans après la mise en place des parcours PASS-L.AS, l'heure est au bilan pour les universités. Quel est votre constat à Bordeaux ?
"C'est du grand n'importe quoi".
Il n'y a aucune base précise sur cette réforme. Notre système est organisé différemment à Bordeaux : en L.AS 1, les étudiants ne suivent que la moitié des UE santé. Ils voient le reste du programme l'année suivante. Ce qui fait que peu d'étudiants en L.AS 1 se présentent pour accéder aux études de santé.
Pour autant, nos premiers chiffres montrent qu'il n'y a pas de différence de niveau entre les étudiants venant de PASS et ceux de L.AS en deuxième année. Les grands admis réussissent mieux que ceux qui vont à l'oral mais on le voit moins au fur et à mesure des études.
En revanche, l'écart est plus visible pour ceux qui sont admis lors de leur seconde chance. Les étudiants de PASS valident leur année, vont en L.AS 2 mais beaucoup ont choisi leur mineure de PASS (qui devient la majeure en L.AS) par défaut. Or, pour être reclassés, ils doivent être parmi les meilleurs de leur licence. En seconde chance, on a donc moins d'étudiants admis.
Beaucoup préfèrent partir en Espagne (ou en Roumanie ndr). Les départs à l'étranger ont été amplifiés avec la réforme.
Les doyens de médecine appellent à des "mesures de simplification" de la réforme PASS-L.AS. La Conférence des doyens de médecine propose de supprimer certaines L.AS, notamment les moins scientifiques. Qu'en pensez-vous ?
Si on veut que cette réforme marche, il faudrait retirer les capacités d'accueil en PASS et en LAS. On a plein d'exemples où les étudiants ont pris ce qu'il restait.
S'il fallait supprimer quelque chose, ce serait les L.AS à l'université de Bordeaux, ne garder que le PASS.
"Avoir deux parcours, c'est idiot".
Les L.AS, c'est bien pour les annexes (l'université propose une L.AS Sciences de la vie et Physique chimie à l'université de Pau et des Pays de l'Adour par exemple, ndlr). Cela ne veut pas dire que l'un ou l'autre système est mieux mais que les deux se font concurrence. Je ne sais pas comment cela va évoluer…
L'un des objectifs de la réforme, en supprimant la PACES, était de mettre en difficulté les prépas privées. Est-ce le cas ?
Il y a plus de prépas qu'avant. Beaucoup plus.
"La réforme a eu un effet contre-productif sur l'ascenseur social, en introduisant l'oral notamment et en supprimant le redoublement".
Il faut être bon, dès la première année donc les prépas s'en sont emparées, dès le lycée même.
Car là aussi, il y a une montée en puissance : le taux de réussite est lié au niveau scolaire. Tout se joue avant l'université.
"Donc aujourd'hui, tout le monde suit une prépa".
Depuis la crise sanitaire, tous les enseignements ont également été mis en ligne, ce qui a facilité le travail des prépas d'un côté et favorisé l'isolement, de l'autre. Donc, il n'y a plus d'étudiants en cours. L'année dernière, nous avions 15 étudiants en cours sur 1 600. Même pour les ED (enseignements dirigés), il y avait peu de participants donc on a supprimé les cours.
Je ne sais pas qui sont les étudiants de première année, je ne les vois qu'à l'examen. Lors des réunions d'information en début d'année, on était plus d'enseignants que d'étudiants.
Il n'y a plus de vie sociale, de relation entre les étudiants. Le tutorat s'effrite car il y a de moins en moins d'esprit de corps, ce qui rend plus difficile de contre-carrer les prépas. Et elles ont raison, il y a un marché.
Les prépas privées ont donc pris la place de l'université ?
Le système est devenu tellement absurde que plus rien ne me gêne. On marche sur la tête. On perd tous nos enseignants… Mais, en même temps, pourquoi resteraient ils dans le public ?
"C'est une faillite de l'université. On va arriver à un système avec uniquement des établissements privés, des facs de médecine privées".
Pensez-vous réellement que cela pourrait arriver ?
On espère faire réagir. On a tout fait pour faire baisser le niveau avec cette réforme, on s'est mis en difficulté et on va le payer longtemps. On devrait encore pouvoir réagir grâce au tutorat. Et on les aide beaucoup mais tant qu'il n'y a plus cet esprit...
Aujourd'hui, l'université doit former plus d'étudiants avec moins de moyens… ça va exploser.
Pour ceux qui veulent aller plus loin sur "le business des prépas", cet article de "Le Parisien- Etudiant" de Claire Berthelemy, publié le 19 juin 2023
Comments