D’un côté, les Français prennent effectivement de moins en moins part aux votes, tandis que les politiques peinent de plus en plus à se faire entendre et sont, paradoxalement, confrontés à une demande croissante de démocratie directe via le référendum d'initiative populaire, des assemblées citoyennes ou de larges concertations sociétales.
A ce propos, l’article L1112-16 du CGCT a été modifié par la récente loi 3DS de février 2022. Il permet à une pétition citoyenne officielle de demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour du conseil municipal, à condition qu’il s’agisse d’un point sur lequel le conseil municipal a compétence. La Maire doit en informer les élus au conseil municipal qui suit la réception de la pétition. La décision de voter une délibération ou d’organiser une consultation citoyenne au sujet de ce point revient ensuite au conseil municipal qui est contraint à se positionner officiellement et publiquement. La modification principale apportée par le législateur, c’est le changement du nombre d’électeurs signataires pour déclencher cette opération. En effet, il fallait réunir auparavant au moins 20 % des électeurs pour présenter une telle demande à la mairie. Or nous sommes passés maintenant à seulement 10 % des électeurs soient 1 798 pétitionnaires pour Périgueux.
Prenons garde cependant, que cette démocratie plus participative que représentative ne soit un « miroir aux alouettes » et ne provoque nombre de déceptions car il est une chose de faire participer les citoyens au débat, leur promettre des réalisations à la hauteur de leurs demandes, les féliciter pour leur implication mais il faut ensuite assurer le « service après-vente » et faire ce que l’on a promis, ou au minimum apporter une réponse à l’interpellation. Ce sera le cas, pour Périgueux, où de trop nombreuses « balades urbaines » des élus majoritaires restent souvent sans lendemain. La déception risque de pousser les citoyens dans les bras des populistes de tout crin, situés souvent aux extrêmes de l’échiquier politique.
Aux présidentielles françaises de 2022, il est observé 28% d’abstention et 8.6% de votes blancs ou nuls. De nombreuses raisons expliquent cette forte abstention (crise sanitaire, guerre en Ukraine, entrée tardive en campagne du Chef de l’Etat, mouvements protestataires en Outre-Mer et en Corse) mais la raison la plus importante reste cette défiance vis-à-vis d’un système politique jugé comme non représentatif.
A Périgueux, lors des dernières élections municipales, ce sont 55% des électeurs qui ne se sont pas déplacés dans les bureaux de vote (soient 10 000 personnes sur les 18 000 électeurs de la ville) et 1.4% qui ont votés blancs ou nuls. C’est un peu plus de 3 000 voix qui se sont portées sur la liste gagnante de Delphine Labails, reflétant, de fait, l’expression de seulement 10% de la population de la ville. Sa légitimité est indéniable mais il existe un vrai problème de large adhésion des habitants à une politique choisie par un si petit nombre, seuls pourtant à faire l’effort de participer au vote. Cela aurait été quasiment le même problème avec les listes politiques opposées (A. Audi et P. Palem), même si elles s’étaient regroupées en une liste unique. Trop peu de participants aux élections successives.
Une des raisons possibles de cette désaffection, est le doute envers le politique sur la sincérité des affirmations proposées au citoyen, leurs véracités, leurs caractères factuels, sur la croyance à un potentiel enrichissement personnel des élus avec la formule éculée « la place doit être bonne, puisqu’ils se représentent ! », sur la perception erronée du grand public d’une corruption des élus « Tous pourris… ». En France, on reste à moins de deux élus sur 1 000 mis en cause pour corruption soit 0,2% du personnel politique. Les lois anti-corruption sont de plus en plus strictes, la justice de plus en plus autonome. On est loin du dessaisissement du juge Jean-Pierre dans l'affaire Urba. Les médias ont su développer les enquêtes d'investigation poussées et pertinentes. Si l'on compare les affaires des décennies précédentes à celles des derniers mois et des dernières années : Cahuzac, Thévenoud, Fillon (tout en rappelant que François Fillon est présumé innocent), nous sommes là sur des affaires individuelles, loin des "usines à corruption" type Urba, HLM de Paris ou HLM des Hauts-de-Seine, des scandales Stavisky ou Panama qui ont éclaboussé toute la classe politique.
Dans notre monde surmédiatisé et surinformé, la difficulté pour l’individu, non spécialiste du dossier débattu, est de faire la part des choses entre des avis plus ou moins éclairés de chacun, des experts de plateau télévisuel avec de possibles conflits d’intérêts, des élus ou des ministres soucieux de leur réélection ou de leur nomination et non libres de leur choix, des journalistes enclins à faire le buzz sur des informations immédiates dénuées d’analyses et intéressantes car pouvant potentiellement provoquer des clivages partisans, des élites mal conseillées ou mal informées et empreintes de certitudes.
A chaque projet ou action, nous nous devons de garder le sens critique, d’explorer intellectuellement toutes les possibilités, d'accepter la controverse, d’envisager tous les leviers possibles avec le recul, l’analyse et la nécessaire concertation pour amender, transformer, enrichir le projet avec tous les élus représentatifs, dont ceux de l’opposition. Un élu d’opposition ne doit pas être moins concerté qu’un simple citoyen. Cette observation est valable depuis l'Assemblée Nationale jusqu'à la plus petite strate décisionnaire qu'est une municipalité. Il suffit de lire la DL du jour (Jeudi 16 mars 2023), où à l’occasion d’une balade urbaine dans son quartier de résidence, une élue d’opposition a été tancée par la première édile au prétexte qu’elle devait laisser la parole aux riverains… Une élue est avant tout une citoyenne de sa ville, fusse-t-elle d’opposition. Ce fut la même attitude condescendante lorsque la parole ne nous fut pas donnée lors du dernier Conseil Municipal au prétexte que, codes et règlements sous la main, c’est la maire qui dirige les débats, choisit ses interlocuteurs et maitrise le déroulé de leur propos…
Pour aider les élus d’opposition, la même loi 3DS, citée plus haut, décrète que tout élu local doit pouvoir consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la Charte de l’élu local. Les collectivités et les EPCI ont jusqu’au 1er juin 2023 pour se mettre en conformité. Ce sera un outil supplémentaire pour notre démocratie et pour le travail des élus , surtout ceux d’opposition.
Plus largement, les politiques et les médias, surtout les médias télévisés, se doivent de retrouver leur distance et leur fonction critique. Depuis 1965, les liens entre la sphère médiatique et la vie publique n'ont jamais été aussi étroits. Autrefois, médias et responsables politiques étaient effectivement les principaux acteurs. Aujourd'hui, il convient d'en ajouter deux autres : l’opinion publique, au travers de la domination des sondages et des chaînes d'info en continu ; les réseaux sociaux sur lesquels tous les excès sont permis et les contre-vérités puissantes. La désinformation se base sur un ensemble de techniques de communication visant à tromper des personnes ou l'opinion publique pour protéger des intérêts (privés ou non) ou influencer l'opinion publique.
Il est, par conséquent, compréhensible que le message d'un politique, qu’il soit candidat à un poste ou non, soit difficilement audible et que l'électeur potentiel s'y perde et s’en désintéresse. Cependant, le travail de l’élu doit être construit et tenace. Nous nous y attelons.