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Le sport, un tremplin contre les discriminations

Cette publication s'inscrit dans le cadre de la Conférence du 13 avril "L'agglo joue les Jeux" - Entrée libre et gratuite.

"C'est normal c'est un mongol...", réplique entendue aux bords des bassins de pratique de la part d'un sportif qui avait la chance, lui, d'être valide... Un travail d'éducation et d'apprentissage du "vivre ensemble" reste à faire.

AUJOURD'HUI, L’EXEMPLE DU PARCOURS DIFFICILE MAIS VOLONTARISTE D’UN JEUNE HANDICAPE, TRISOMIQUE 21, RACONTE PAR SES PARENTS… IL SERA PLUS DE QUINZE FOIS CHAMPION DE FRANCE !

 

Jérôme est entré à l’IME (Institut Médico Educatif) de Rosette en 1995 à l’âge de 8 ans. Cette structure fait partie des 17 établissements et services de Papillons Blancs de Bergerac. Il a bénéficié d’une prise en charge pluridisciplinaire (éducative, pédagogique, médicale et sportive) tout au long de son passage à l’IME.

 

En ce qui concerne la partie sportive, Jérôme a profité d’activités physiques et sportives dispensées dans le cadre du projet d’éducation physique et sportive. En effet, il a bénéficié de 2 séances par semaine jusqu’à l’âge de 14 ans environ puis d’une jusqu’à sa sortie de l’IME.

 

Dans un premier temps (jusqu’à 14 ans), les activités proposées (jeux aquatiques, jeux athlétiques, jeux gymniques, jeux d’opposition, jeux sur engins roulants) lui ont permis de développer et construire, à son rythme, sa motricité fondamentale. Par la suite, le projet s’est orienté vers la pratique des activités physiques de Pleine Nature (marche nordique, VTT, escalade, canoë-kayak).

 

Jérôme à suivi une évolution générale lente mais progressive. Assez inhibé et peu en confiance, il s’est peu à peu ouvert aux autres et a pris de l’assurance. Malgré une hypotonie musculaire et une certaine lenteur liée à sa pathologie, il a développé des compétences dans les différentes activités proposées et y a pris du plaisir. Il a commencé a participé aux diverses compétitions proposées par le Comité Départementale de Sport Adapté.

 

Peu avant son départ de l’IME en 2007, nous avons demandé un bilan aux différents professionnels concernés par sa prise en charge. Les éducateurs sportifs ont fait part de leurs observations, celles-ci axées sur ses potentialités qui mettaient en exergue son intérêt grandissant pour les activités physiques et sportives et plus particulièrement le canoë-kayak. Pendant plus d’un an il a pris des cours particuliers de natation à la piscine de Bergerac afin d’améliorer son aisance aquatique.

 

En 2004, Jérôme a subi une opération de la mâchoire à Lyon. Une première mondiale. L’équipe médicale nous avait à l’époque fortement conseillé la pratique d’un sport tel que le canoé ou l’aviron pour améliorer sa posture et sa musculation.

 

Compte tenu de la motivation de Jérôme et sur les conseils des éducateurs sportifs de l’IME nous avons recherché un club de canoé-kayak. La présidente du club de Lalinde a répondu favorablement à notre demande. Tout de suite, il a été intégré dans ce club où tout le monde était motivé pour le faire participer comme les autres à toutes les activités.

 

En 2007, Jérôme intègre une ESAT des Papillons Blancs où il travaille à plein temps dans un petit atelier de menuiserie, une grande satisfaction pour ses parents.

 

Il a été présent également à des stages organisés pendant les vacances et a pu ainsi obtenir ses pagaies blanche et jaune. La première année, il était présent aux compétitions en qualité d’invité et par la suite dans les compétitions départementales, dans une catégorie informelle sport adapté. Jérôme s’épanouissait complètement dans ce sport, il gagnait en indépendance mais aucune compétition officielle n’était ouverte pour les personnes porteuses d’un handicap mental. 

Le premier cas de discrimination c’est produit lors d’une compétition de slalom à Périgueux ; un sportif de haut niveau lui a dit qu’il n’était pas "sa serpillère" quand Jérôme lui a posé sa main sur l’épaule lors d’une pose photo.

Nous avons été profondément choqués d’une telle attitude. Nous avons fait part de ce comportement au ministre des Sport de l’époque et au Conseil Général de la Dordogne.

 

En 2012, Jérôme intègre le club de Périgueux. Le président de l’époque nous met en contact avec Damien MAREAU.

Si Damien n’a aucune connaissance du handicap, il comprend tout de suite le « fonctionnement » de Jérôme. Il met en place un programme d’entraînement, il le stimule le propulse, le soutient. Des liens se tissent. Damien « c’est plus qu’un coach ! » Son objectif, c’est de préparer Jérôme à des championnats de haut niveau et à l’open de France. Il envisage également de courir en ses côtés en K2.

Suivant les mots de Damien, : « Jérôme est tenace et doué techniquement ; Il comprend parfaitement le fonctionnement de la rivière, les courants et a une excellente lecture de l’eau ».

Jérôme se bat contre son handicap et les préjugés que chacun pourrait avoir devant un sportif un peu différent. C’est un sportif complet qui a les mêmes contraintes que ceux qui sont valides.

 


Jérôme participe aux championnats de France sport adapté tous les ans mais aussi aux compétions régionales et inter-régionales dans la même catégorie que les séniors, car il n’existe pas au sein de la Fédération Française de canoé Kayak une catégorie pour la déficience mentale. 

Le deuxième cas de discrimination, c’est produit lors, d’une compétition de sprint à Libourne. Jérôme sur une course de vitesse sur 500 m a des difficultés pour s’aligner sur la ligne d’eau, le vent le gêne pour stabiliser la pointe de son bateau. Le starter s’impatiente et un compétiteur, dans la ligne d'eau voisine, le plus proche de Jérôme, lance « c’est normal, c’est un mongol »...

Sur l’intervention de la famille, des excuses ont été prononcées par la personne responsable de ces propos.

 

Les années passent les victoires s’enchaînent. Jérôme a déjà remporté une quinzaine de titres de champion de France, neuf de vice-champion de France, une médaille d’or en CEL K2H 500 m avec Damien et six médailles aux Open de France.

 

Il a fallu attendre 2023 pour que la Fédération Française de canoé-kayak convoque 6 compétiteurs de sport adapté pour participer à un sélectif de la coupe du monde qui devait avoir lieu à Vaires sur Marne.

4 sur les 6 ont été sélectionnés dont Jérôme. Chacun a reçu une convocation officielle. Damien Mareau a organisé un programme d’entraînement sur juillet et aôut. Une semaine avant la Coupe du Monde la famille a reçu un mail d’annulation…

Celle-ci devait être organisée pour la première fois mais a malheureusement été repoussée, sans fixer d’autre date pour l’instant et sans présenter des excuses à nos sportifs.

Comme en 2014, par suite de ses bons résultats Jérôme a participé avec un collectif France Sport Adapté à un stage de perfectionnement de course en ligne vitesse à Nottingham en Angleterre qui est resté malheureusement sans suite.

 

"Est-ce que la Fédération Française de canoé-kayak se serait comportée de la même façon avec des sportifs ordinaires ?" interroge sa maman.

 

AUTRES TEMOIGNAGES

Voici un autre cas de discrimination avec le témoignage, de la maman de Lilian que nous accueillons aux Papillons Blancs :

 

« Lilian a toujours voulu faire du foot, dès son plus jeune âge.

Lorsqu’il a eu 6 ans, son frère de 2 ans son aîné, était déjà inscrit dans un club de foot, nous l’avons donc inscrit dans ce même club.

Son intégration chez les U6 s’est bien passée. A partir de l’âge de 8 ans, nous avons demandé 2 dérogations successives pour le maintenir dans cette catégorie.

L’année de ses 10 ans, en juin, son entraîneur qui distribuait les renouvellements de licence est passé devant Lilian sans lui donner les documents. Lorsque Lilian les a demandés, il lui a répondu : « L’année prochaine, tu ne fais plus de foot ».


C’est de cette façon que Lilian a été exclu d’un sport qui est toute sa vie. Aujourd’hui, Lilian fait partie de l’équipe de foot adapté au sein du club BERGERAC PERIGORD FC.


Voici quelques mots de Monsieur Smain Fekirini entraîneur de l’équipe :

« La section Foot Adapté est riche et forte en relation humaine, elle est vectrice d'inclusion sociale et d'ouverture. Quel bonheur d'entraîner ces joueurs au quotidien, de les voir pleinement investi et épanoui au sein du BPFC.

Pour moi, ce sont des footballeurs comme les autres qui ont des objectifs individuels et collectifs avec le plaisir de jouer ensemble.

lls font partie intégrante du projet du club, ma mission est de faire du lien avec les différents acteurs qui font le Football Adapté au sein du club, mais aussi l’ensemble des licencié(e)s en interne, en allant même plus loin en se rapprochant des clubs ordinaires du territoire, notamment le Football Amateur. Via ce projet, qui croît d’année en année avec maintenant une académie dédiée aux enfants, notre but est de sensibiliser les personnes au handicap et à la différence.

"La différence peut parfois faire peur mais elle ne devrait pas. Elle devrait surtout nous réunir..."

Je suis convaincu que le foot adapté a un très bel avenir devant lui, un avenir prometteur... »

 

Continuons avec un témoignage d’un des bénévoles du club :

 « Je suis Gendarme et je suis militaire depuis 27 ans. J'ai été amené à me déplacer dans de nombreux lieux que se soit en France où à l'étranger et j'ai toujours cherché à aider mon prochain. Et depuis que j'ai accepté de suivre Smaïn FEKIRINI dans l'aventure humaine foot adapté c'est l'inverse qui se produit.


C'est réellement toutes ces personnes que je côtoie maintenant, qui sont en situation de handicap, qui m'apportent beaucoup plus que ce que moi je peux leur apporter. Ce sont des personnes franches au grand coeur qui ne mentent pas et qui ont presque tout le temps la joie de vivre. De toute façon c'est ça aussi qui est bien avec eux c'est que s’ils ne vont pas bien ils vont vous le dire.


J'ai la chance de pouvoir les accompagner dans le foot mais aussi sur d'autres activités. Nous allons faire un séjour de trois jours à Paris et tout le monde est pressé et excité d'aller visiter la capitale. Nous avons plein d'autres projets sportifs mais aussi extra sportif qui vont encore une fois nous permettre de partager des moments joyeux et heureux avec l'ensemble du groupe.

Ce qui est sûr c'est que je ne compte pas arrêter, au contraire, nous voulons toujours faire évoluer les choses pour permettre une inclusion totale."

"Nous savons tous que ce n'est pas facile de faire bouger les mentalités mais c'est ensemble petit à petit en multipliant les rencontres que nous arriverons à faire taire tous les préjugés ».

 

La famille e interrogé pour cette conférence d’autres clubs qui accueillent nos sportifs (vtt, judo, tennis) : « Quand nos sportifs se cantonnent à des compétitions de sport adapté, il n’y a aucun problème. Mais nous voulons autre chose pour nos enfants. »

 

Les parents de Noémie Parot multiple championne de France en tennis adapté, souligne : «  le sport est un outil. Voir l’évolution de Noémie ça donne de l’espoir ».

 

Mais le sport, ce n’est pas uniquement la compétition et la performance. Pratiquer régulièrement une activité physique, même en loisirs, fait du bien au corps et à l’esprit. C’est une source d’épanouissement et de dépassement de soi : les bénéfices physiques et psychologiques sans compter le lien social, les moments de partage et d’émotion inhérents à la pratique sportive. Chez les personnes en situation de handicap, l’exercice physique permet aussi de réduire sensiblement la prise de médicaments. Le sport touche à beaucoup de chose. Il peut avoir des effets bénéfiques en matière de gestion de l’agressivité, facilite la communication avec les autres, renforce la confiance en soi ou encore contribue à donner des repères à travers le respect des règles, des horaires ou de son environnement. Pourtant les personnes en situation de handicap font moins de sport que la moyenne : 47 % déclarent pratiquer une activité physique sportive régulière contre 60 % pour la population générale.


LES PAPILLONS BLANCS DE BERGERAC

 

Les Papillons Blancs de Bergerac c’est 17 établissements et services, plus de 700 personnes accueillies atteints de déficience intellectuelle, troubles psychiques, autismes. Pour répondre aux besoins de la pratique d’une activité physique et sportive la structure dispose de 4 éducateurs.


A été créé en 2017 une commission sport. Elle a pour but d’organiser, d’animer et de promouvoir la pratique des activités physiques et sportives, et d’en favoriser l’accès aux usagers des Papillons Blancs. La Commission définit la politique sportive de l’Association et la propose au Conseil d’Administration. Elle établit chaque année un calendrier prévisionnel des actions et prend toutes les mesures pour leur organisation.

La Commission s’ouvre sur le territoire afin de sensibiliser au handicap et développer une démarche partenariale.


En 2023, l’Assemblée Générale a voté un Projet Sportif Associatif. L’écriture de ce Projet Sportif Associatif est l’occasion de porter un regard sur le présent et de concevoir l’avenir avec les personnes impliquées afin que l’activité physique et sportive soit non seulement une activité de loisirs ou de dépassement de soi mais aussi un outil au bénéfice du bien-être et de l’épanouissement de chacun. Son objectif : permettre aux personnes accueillies, d’être conseillées, orientées, leur permettre de pouvoir pratiquer une activité physique et sportive adaptée à ses besoins et souhaits. Lutter contre les discriminations : une partie du projet est orientée vers le développement d’une démarche partenariale et s’ouvre sur le territoire afin de sensibiliser au handicap. Ce partenariat a une visée de sensibilisation du handicap et d’inclusion.

 

Les Papillons Blancs mènent des actions sur ce qui rapproche des gens dits ordinaires des personnes handicapées plutôt que de se concentrer sur leur atypie.

La personne accueillie doit pouvoir pratiquer son sport en club ordinaire ou pratiquer son sport avec des clubs labélisés sport adapté.

Cela permet donc de lutter contre les discriminations et toutes formes de préjugés. Le sport est un facteur favorisant la relation.

Plusieurs actions ont été menées : le Trail « La citadine », une course en binôme dans le vieux Bergerac et les Olympiades l’an passé où de très nombreux clubs étaient présents.

L’objectif également est de favoriser l’émergence de sportif de « haut niveau » afin que la personne accueillie puisse s’épanouir dans sa pratique et sa passion.


 

 

A notre connaissance, il n’y aura pas de sportif du sport adapté qui porteront la flamme Olympique en Dordogne sachant que plusieurs sportifs ont été récompensés au Championnat de France (tennis, vtt, judo, natation, canoé-kayak).  Le Conseil Départemental de la Dordogne avait pourtant sélectionné un sportif mais le Comité Olympique l’a choisi comme remplaçant. C’est regrettable de priver nos sportifs de cette grande fête, à l’heure de l’inclusion.


 
 

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