Intéressant article publié par "Sud-Ouest", repris de "The Conversation" qui modifie la perception que l'on pourrait avoir sur l'attractivité commerciale d'une ville moyenne et qui doit interroger.
« No parking, no business » en centre-ville : un mythe à déconstruire
Publié: 12 mai 2024, de Mathieu Chassignet, Ingénieur transports et mobilité, ADEME (Agence de la transition écologique)
Pour valider les réflexions provenant de cet article, j'ai extrait d'un des rapports du CEREMA (1), des données générales pouvant intéresser une ville de taille moyenne (25 à 135 000 habitants) comme Périgueux, complété par la typologie des habitants de Périgueux, issue du dernier rapport de l'Insee portant sur la ville (2) et ajouté des notions présentes dans un article du Conseil d'Analyse Economique (3).
PETITS COMMERCES: Périgueux, c'est 35 000 m² de surface de vente et un chiffre d'affaire (CA) annuel de l'ensemble des activités commerciales de centre-ville de 160 M€, à comparer aux 50 000 m² de PériOuest (pour 160 M€ de CA aussi) et 80 000 m² de La Feuilleraie à Trélissac (Plus du double de CA, aux environs de 300 M€). A noter, sur l'ensemble de la Dordogne, l'e-commerce non alimentaire représente environ 200 M€/an (soit 8.4% du commerce)! En conclusion, l'article et les trois analyses se retrouvent sur le constat que les résidents achètent de manière très majoritaire en centre-ville, à 82% (assez surprenant!) contre 12% en grandes surfaces de périphérie, s'y déplaçant volontiers à pied (45%) mais encore trop en voiture (49%) et ce pour les petits commerces sédentaires (Quid des marchés ambulants?) mais utilisent habituellement plutôt la voiture (81%) pour accéder aux grandes surfaces de la ville centre (compte tenu de la charge à transporter, du fait que 30% de la population a plus de 60 ans dont la moitié a plus de 75 ans). Le critère de prix, de choix des produits, de l'accessibilité physique et des horaires d'ouverture élargis des petits magasins de centre-ville sont déterminants, au delà du facteur de la proximité. A noter que les 600 000 petits commerces de France représentent 72% de l'emploi total dans le commerce. Les français fréquentent cependant à 98% au moins une fois par mois une grande surface alimentaire de périphérie. Les achats y sont plus conséquents: 50% des ménages consacrent plus de 70% de leur budget "courses" à l'achat en hyper et supermarchés. Les programmes « Actions cœur de ville » et « Petites villes de demain » mis en place par les pouvoirs publics visent, avec un succès indéniable, à renforcer l’attractivité des centres-villes. Les fonctions des petits commerces y sont multiples : services de proximité, activité touristique de la ville et du territoire, sources de contacts humains et d’échanges. Au-delà de l’exigence économique et de la valeur utilitaire (proposer un produit ou un service au bon endroit, au bon moment), ces commerces apportent une valeur ajoutée à l’expérience de vie en centre-ville notamment dans les zones rurales ou les petites villes, et revêtent parfois une dimension de service public. A noter, une mutation en cours avec un remplacement progressif des petits commerces par des bars ou des restaurants et surtout la concurrence de l'e-commerce (passé de 9% en 2015 à 17% en 2021 - pour e-commerce non alimentaire), de sites marchand comme Vinted et du "seconde-main", du Drive et du "Quick-commerce" développant des livraisons à domicile. L'avenir, quoi que l'on en pense, c'est aussi les Concept-store, boutiques indépendantes avec une offre unique et originale comme par exemple Lobsta (sandwiches au homard), mais aussi l'implantation de poids lourds internationaux comme Zara, H&M, Bricorama, Truffaut... C'est aussi le constat de l'arrivée féroce de marques chinoises Shein avec ses 8 000 nouvelles références chaque jour en ligne! Ce sont pour nos jeunes consommateurs des implantations de fast-food comme Mac-Donald ou Burger-King comme d'ailleurs prévu pour ce dernier place Francheville. Certaines de ces enseignes, souvent décriées, travaillent pourtant avec nos éleveurs locaux et peuvent vendre des produits de qualité. Ce sera, aussi, même si nous sommes en retard par rapport à s'autres villes, la création de véritables halles gourmandes élargies en surface et en horaires d'ouverture, vrais centres de vie et d'attractivité. Ce sera notre capacité à re-attirer les 1 500 agents et employés du Grand quartier de la gare vers les commerces de la ville centre, à la fois sur la pause méridienne et après leur sortie du travail. Les grandes surfaces "Nouvelles cathédrales de la consommation" souffrent aussi par leur démesure et le cout élevé pour les boutiques de se maintenir dans leur galerie commerçante (location, adhésion association commerçants, quote-part des parkings). Entre 2015 et 2021: réduction achats alimentaires en Dordogne dans les hypermarchés (-2.5%) et augmentation dans les supermarchés (+1.5%), réduction dans toutes les grandes surfaces de 6% des achats non alimentaires au profit des ventes en ligne (+8.4%). L'avenir passera certainement par des commerces de taille plus raisonnable, plus proches des résidences (2 000 m²), plus aisément finançables par les banques, avec des drive accessibles et un service de livraisons à domicile. Le secteur de l'habillement, celui des grandes enseignes nationales de prêt-à- porter des années 1990 est en crise, faute d'avoir su se renouveler avec des disparitions (La halle, Eurodif, La City, Camaïeu, Cop Copine, San Marina, Burton...) et des enseignes en grande difficulté (André, Pimkie, Cotelac...). Difficultés aussi pour le prêt-à-porter 100% made in France comme Léon & Augustine. Les fermetures de commerces en Dordogne ont augmenté de plus de 60% en 2023/2022 dont 80% ont moins de 3 salariés. En 2023: 163 liquidations au Tribunal de Commerce de Périgueux contre 91 en 2022 (effets d'une dette non supportable, hausse des taux intérêts, fin des aides Covid, reprise des procédures d'assignation Urssaf, ralentissement global de l'économie en Europe, hausses du prix de l'énergie notamment ressentie dans les boucheries et boulangeries, manque de main d'œuvre dans la restauration). La vacance commerciale est plus élevée dans les villes de moins de 40 000 habitants et dans les petits centres commerciaux. Mais ce seul indicateur du taux de vacance commerciale est insuffisant; un suivi de la densité commerciale, du taux de faillite et du rythme d’implantation de nouveaux commerces serait souhaitable. On peut regretter également qu’en France, les études d’impact sur les petits commerces, des travaux d’aménagement en ville, menées systématiquement pendant leur durée à des fins d’indemnisation, ne soient pas poursuivies une fois les infrastructures construites pour évaluer leur effet sur le tissu commercial. MOBILITE: Flux entrant: les voitures circulant dans la ville-centre proviennent à 84% des pendulaires extérieurs mais la moitié ne font que traverser la commune et l'autre moitié s'ajoute à celle des résidents (le volume de véhicule circulant intra-muros représente 58% du trafic total affectant la ville). La configuration des 3 ponts d'entrée, l'absence de contournement, le peu d'usage des modes actifs expliquent la saturation "repoussoir" de la voirie aux heures de pointe. Une donnée importante: les habitants des communes riveraines viennent pourtant réaliser 25% de leurs achats en ville-centre (d'où l'importante du maintien d'un stationnement accessible, d'une fluidité de circulation ou de l'incitation à l'usage des transports en commun trop peu utilisés). Flux sortant: les périgourdins sortent de la ville à 50% pour le travail, 20% pour les loisirs et seulement 10% (?) pour des achats en périphérie (possible effet des embouteillages vers les grandes surfaces de périphérie?). Mobilité durable: le vélo est peu plébiscité pour les achats de courses. Le bus reste pertinent selon les arrêts desservis à proximité des grandes surfaces de périphérie ou de centre-ville, mais ne peut concerner des achats volumineux ou lourds et ne touche pas toutes les tranches d'âge. Il est utilisé très souvent à 75% par les jeunes de moins de 20 ans, 40% des moins de 30 ans et seulement de 20 à 25 % des autres tranches d'âge.
Chiffres Dordogne (4) extrait "Etude des flux de consommation Dordogne CCI"
Dépenses de consommation par ménage en Dordogne
Potentiel de consommation par famille de produits
Parts de marchés des différentes formes de vente en Dordogne (4)
Chiffre d'affaire consommation des ménages dans les différentes intercommunalités (4)
Rapport CEREMA (1) et Chiffres Insee (2)
CHIFFRES BRUTS DE MOBILITE
Nombre de voitures/foyer (Insee)
27%: aucune
56%: 1 voiture
17%: 2 voitures et plus
Déplacements généraux:
64% voiture dont
53% voiture (conducteur)
11% voiture (passager)
34% mobilité durable
26% marche
5% TC (transports en commun)
3% vélo
3% 2RM (2 roues motrices ou autres)
Répartition des échanges, selon le mode, avec la ville centre (résidents, pendulaires, visiteurs): Ext > Int
84% voiture
16% mobilité durable
Répartition des échanges, selon le kilométrage, avec la ville centre (résidents, pendulaires, visiteurs): Ext > Int
< 1 km:
72%: marche
24%: voiture
2%: vélo
1 à 3 km:
61%: voiture
27%: marche
6%: 2RM
3%: vélo
3 à 5 km:
78%: voiture
10%: 2RM
7%: marche
2%: vélo
>5 km
85%: voiture
9%: 2RM
COMPOSITION DES MENAGES
Composition des ménages (Insee)
60%: 1 personne
18%: 2 adultes
11%: 1 famille monoparentale
11%: 3 personnes et plus
A noter
50% des 20-24 ans vivent seuls
50% des 25-79 ans vivent en couple
60% des plus de 80 ans vivent seuls
Chez les plus de 15 ans: 40% sont célibataires et 27% sont mariés
Chez les plus de 60 ans, 1 senior sur 3 n'a pas de famille à proximité"
Composition des familles
50% couple sans enfant
25% famille monoparentale (14% au niveau départemental)
25% couple avec enfant(s)
Nombre d'enfants par famille (Insee)
50%: 0
27%: 1
16%: 2
6%: 3
1%: 4 et plus
Age (Insee)
<18 ans: 22% (1 enfant sur deux de 11 à 17 ans vit dans une famille monoparentale)
18 à 24 ans: 8%
25 à 60 ans: 40%
60 ans et plus: 30% (9 000 personnes)
MODES DE FONCTIONNEMENT
Nombre de déplacements par jour par habitant: en moyenne 3.9
Origine des déplacements en jour moyen de semaine
84%: déplacements internes
16%: déplacements externes
Motifs de sortie des résidents vers le reste de l'aire urbaine
50%: travail
19%: loisirs
10%: achats
8%: accompagnement
6%: études
5%: démarche
1%: autre
Temps général de transport
72%: moins de 2h000
17%: plus de 2h00
11%: ne bougent pas
Moyens de déplacements vers les grandes surfaces de la ville-centre
81%: voiture
15%: marche
2%: TC
1%: vélo
1%: 2RM
Moyens de déplacements au travail
64%: voiture
20%: marche
5%: TC
3%: vélo
8%: autre
Moyens de déplacements vers les petits commerces de centre-ville
49%: voiture
45%: marche
2%: vélo
2%: TC
2%: 2RM
Seuil de pauvreté global stable: 20% des habitants mais en hausse pour:
14% des 60-74 ans
9% des 75 ans et +
34% des moins de 30 ans
70% des familles monoparentales ne peuvent face à une dépense imprévue de 250€
Raisons des déplacements des résidents et des visiteurs
25%: travail
22%: achats
22%: loisirs
15%: accompagnement
7%: études
6% démarches
Retour des actifs au domicile sur la pause méridienne
6% entre 11h45 et 12h45
Pics horaires de circulation
6h30 - 8h00
15h00 -19h00
Pics de circulation selon l'activité
Etudiants et scolaires: 6h00-8h30; 11h00-14h00; 16h00-19h00
Retraités: 9h00-12h00
Actifs: 6h00-9h00; 11h00-14h00; 16h00-20h00
(1) Etude CEREMA portant sur les mobilités dans les villes moyennes/ville centre/préfecture durant les années 2009-2014 et publiée en 2017. A télécharger gratuitement après inscription.
(2) Rapport Insee - Ville de Périgueux 2020, publié le 27/02/24. A télécharger sur mon site.
(3) Etude du Conseil d'Analyse Economique sur le sujet des petits commerces: "Petits commerces, déclin ou mutation"
(4) Etude CCI des flux de consommation en Nouvelle Aquitaine - mars 2022 (extrait Dordogne)
Autres publications sur ce même sujet, à relire sur ce blog:
Stationnement sur la ville-centre: https://www.michelcadet.fr/post/gratuit%C3%A9-du-stationnement
Déplacements: https://www.michelcadet.fr/post/absence-de-vraie-r%C3%A9flexion-sur-les-d%C3%A9placements-dans-la-ville-centre