Une balade dominicale sur la commune de Couze-et-Saint-Front, rive gauche de la Dordogne, cité papetière, au sud et en face du bourg de Lalinde. Balade en lien avec l'évangélisateur du Périgord, quel que part entre IIIème et VIème siècle (dates controversées...).
Au départ du bourg avec un dénivelé assez conséquent et parfois glissant, ne tombez pas dans la Dordogne au saut de la Gratusse! Vous êtes prévenus. Le Coulobre veille encore!
Extrait du site "Site officiel du tourisme en Pays de Bergerac - Vignoble et Bastides"
C’est à Lalinde que se situe ce récit dans des temps anciens mais non oubliés des hommes.
Un animal étrange (lo coulobre), couleuvre en occitan, se terre dans un antre druidique, grotte d’accès difficile sur les flancs escarpés des coteaux qui surplombent la vallée, au sud du bourg. On dit que ce monstre serait une couleuvre colossale dotée d’une gueule immense sur une tête ornée de cornes et d’oreilles… le reptile serait également pourvu de pattes dotées de griffes ainsi que d’ailes.
La bête est si gigantesque que lorsque sa queue est en haut de la falaise, sa tête est au niveau de la rivière lui permettant de boire. La taille et la force de l’animal font que lorsqu’il s’abreuve, outre l’eau, il aspire si fort qu’il déplace à chaque fois des blocs énormes de pierres... c’est ainsi que se serait formé le passage dangereux du saut de la Gratusse.
Elle est maléfique et s’en prend aux bêtes, hommes, femmes et bateliers de la Dordogne, les enlevant pour les dévorer ensuite dans son repaire.
Il se dit aussi que « tous les voisins de ces lieux allèrent trouver Saint Front et le prièrent de la chasser de leur contrée, ce qu’il leur accorda volontiers ; ayant passé la Dordogne à pied sec, Front alla à la tanière de la couleuvre, fit le signe de croix et commanda à la bête de ne passer à aucun lieu où il y eut des hommes et des femmes. Le monstre s’abîma dans l’eau et alla incontinent jusqu’à l’océan d’où il était venu »[1].
On trouve ici une juxtaposition entre légende et réalité : les marins se noient et disparaissent dans les dangereux tourbillons de la Gratusse…mais est-ce dû à la violence du courant ou à la férocité du monstre ? Certains accusent ce dernier d’être lui-même à l’origine de cet endroit goulet qui rend hasardeuse la navigation.
Le saut de la Gratusse, redouté par les gabariers
L’intervention d’un saint, qui prend ici les traits du périgourdin Saint-Front, est décisive. Les hagiographes se partagent : l’évêque est-il venu à bout du représentant du mal par l’épée ? Ou bien par la seule force de sa volonté ?
Une conclusion en occitan, de R. Loubière, réconcilie géographes et gens d’église puisque dans cette version de la légende, c’est dans les soubresauts de son agonie que notre coulobre a creusé le saut de la Gratusse.
Aujourd’hui encore, le long des berges de la Dordogne on peut voir un cluzeau appelé « le trou du Coulobre ».
[1] Vie de saint Front, attribuée à l’évêque Sebalde, remaniée au XIème siècle, selon une traduction de Jean Dumonteil, Bibliothèque Municipale de Périgueux, manuscrit 125.