Insuffisante augmentation du tarif de la consultation des généralistes de 10 euros en 30 ans, là où le SMIC a doublé* et le prix de la baguette de pain** également. Sur cette base, le tarif de la consultation devrait être aujourd'hui à 33 euros et non à 25, uniquement pour rattraper l'augmentation des charges et salaires de nos cabinets, sans évoquer une nécessaire revalorisation attractive pour de futures installations, qui ne se feront pas si pas si le modèle économique reste en l'état! Un cabinet médical libéral reste une entreprise à faire vivre, pourtant certains vont fermer. Le risque de cette situation est la multiplication de centres médicaux publics avec des médecins salariés. Centres, tous déficitaires et payés par les contribuables: 3 fois moins de patients suivis, délais d'attente plus longs, acte 3 fois plus couteux qu'en libéral… Les médecins, qui ne sont plus des "nantis" depuis bien longtemps, ont prévenu mais on continue à foncer dans le mur en klaxonnant!
*Le Smic est passé de 5,08 euros de l'heure (soit 770,47 euros par mois plein) en mars 1992, à 10,48 euros de l'heure (1.589,47 euros mensuel) pour un temps plein depuis le 1er octobre, soit une multiplication par 2,06. ** En effet, en 1992, le kilo de pain blanc coûtait 2,12 euros en moyenne, contre 3,51 euros vingt ans plus tard, en 2012. En septembre 2021, ce prix était de 3,59 euros le kilo. En trente ans, le prix de la baguette (0,89 euros en moyenne pour un pain de 250 grammes) a donc été multiplié par 1,7.
L'Assemblée Nationale, dans la surmédiatisation de sujets d'actualité de second rang, se sent obligée de légiférer sur les punaises de lit, vraie problématique du quotidien de certains, et les lapins (Rendez-vous non honorés chez les médecins) ...
Ce ne sont pas des problèmes anecdotiques mais franchement, n'amuse t'on pas la galerie avec ces sujets picrocholins rabâchés à longueur d'antenne par des chaines de télés en continu qui ne devraient pas, de fait, mobiliser nos 577 députés! Les vrais préoccupations des citoyens sont ailleurs.
Je le dis à mes amis d'Horizons, porteur de la loi contestée: la détérioration de la prise en charge de la santé de nos concitoyens et le désarroi des professionnels de ce secteur, tous épuisés, sont LES sujets qui devraient être à la une des préoccupations des décideurs tant qu'ils ne seront pas réglés. Il y a une urgence véritable qui n'attendra pas l'avènement d'Edouard Philippe en 2027!
Plutôt que de rédiger un nouvel article sur le sujet des difficultés de la politique de santé en France, mais identique aussi dans les autres pays européens qui sont logés à la même enseigne et rencontrent les mêmes difficultés et la même surdité de leurs ministères de tutelle, je partage avec vous cet article, publié dans la revue professionnelle Egora, d'un des syndicats médicaux représentatifs de la profession, pour lequel, je ne suis pas adhérent et je ne résiste pas, non plus, à partager cette affiche des jeunes Médecins Pour Demain (MDP). Tout est dit!
"Le seul moyen de valoriser l'expertise du médecin, c'est de faire appel aux complémentaires santé" : pourquoi la CSMF veut créer un Optam pour tous.
Par Aveline Marques, Egora, le 06-10-2023
Un virage à 180 degrés. Au mépris de toutes les règles de qualité et de sécurité, on file la prescription aux pharmaciens alors que leur métier, c’est la dispensation. Imaginons que, dans le même état d’esprit, je propose pour des raisons économiques et écologiques que les médecins disposent dans leur cabinet d’une armoire avec les médicaments qu’ils prescrivent le plus souvent ? Comme ça, pas besoin d’imprimer d’ordonnance, pas besoin d’aller à la pharmacie, on économise de l’essence ! Quelle serait la réaction des pharmaciens ? Améliorerait-on la santé des Français ? Non, car la dispensation permet aux pharmaciens d’expliquer et de vérifier l’absence d’interactions. C’est ensemble que l’on fait mieux !
La CSMF porte un amendement pour que cette mesure soit autorisée seulement « à défaut d’une organisation territoriale ou d’un médecin disponible ». En cas de cystite un samedi soir à 22 heures, il suffit d’appeler le régulateur et de décrire la symptomatologie et il n’a qu’à regarder votre dossier médical pour vous envoyer l’ordonnance ou mieux, l’envoyer à la pharmacie de garde… À quoi cela sert sinon de développer le DMP et Mon espace santé ? Je ne suis pas en train de minimiser le problème mais cette mesure ne devrait être appliquée que là où il y a vraiment des trous dans la raquette. Sinon on donne aux médecins comme signal : « Barrez-vous de vos organisations territoriales ». L’université d’été de la CSMF cette année est consacrée à la financiarisation de la médecine libérale. Quel est le danger ?
On voit des acteurs privés qui, dans les établissements de santé, choisissent de ne garder que les activités rentables et écartent celles qui ne le sont pas... Ça soulève deux problèmes. D’abord, on ne peut pas avoir d’activités à perte, que ce soit dans le privé ou le public ; une activité peut être moins rentable qu’une autre, mais elle ne peut pas être à perte. Une fois qu’on a rééquilibré les choses, on ne peut pas tolérer des prises de décision en faveur des activités les plus rentables. On ne peut pas laisser sur le carreau les patients qui, par manque de chances, n’ont pas la bonne maladie.
Dans son dernier rapport charges et produits, l’Assurance maladie s’intéresse enfin à ce problème de financiarisation. Je ne peux que le saluer. Mais la réponse apportée est la mise en place d’un observatoire… J’ai dit au directeur de la Cnam que le temps que cet observatoire rende ses conclusions, l’imagerie médicale française sera aux mains de fonds de pension et d’investissements étrangers, payés par les cotisations sociales et les impôts des Français mais qui imposeront des règles nouvelles ! Comme les cliniques et les biologistes avant eux, et bientôt le secteur de l’anatomopathologie, qui fait l’objet d’OPA*** extrêmement agressives. Quelle incidence sur l’exercice des médecins libéraux ?
Aujourd’hui, pour des raisons affichées de difficultés de recrutement d’infirmières, qui sont réelles, mais aussi -ne rêvons pas- pour des raisons de rentabilité financière, on supprime des vacations de chirurgie dans les cliniques privées. En tant que patron d’une entreprise médicale, vous ne pouvez pas pousser les médecins à accélérer la cadence pour augmenter la rentabilité car le code de déontologie médicale l’interdit. Mais quand on supprime à un chirurgien 25% de ses vacations, il y a deux conséquences possibles, toutes deux scandaleuses. D’un côté, on a le chirurgien qui, pour continuer à soigner autant de patients et maintenir son niveau de rémunération, va faire autant d’actes mais en moins de temps. Et je ne pense pas qu’en faisant plus vite tout le temps, on fasse mieux et qu’on respecte les recommandations. De l’autre côté, on a le chirurgien qui va faire avec car il n’a que deux bras et donc, va prendre en charge moins de patients… C’est tout aussi inadmissible dans un contexte où l’accès aux soins est déjà compliqué. Le même phénomène est observé dans les cabinets de biologie, de radiologie et demain, d’anapath. Ne rêvons pas, ces nouvelles organisations médicales de soins primaires, où l’on regroupe les médecins, vont faire l’objet des mêmes OPA, pour les mêmes raisons ; c’est évident. Il faut mettre le holà sur les effets pervers de cette financiarisation. L’ensemble des six syndicats représentatifs des médecins libéraux, mais aussi Médecins pour demain, Reagir, l’Isnar-IMG ou encore le syndicat des pédiatres ont appelé à la grève le 13 octobre. Les médecins répondront-ils à cet appel ? Se dirige-t-on faire une grève illimitée ?
Difficile de vous dire si les médecins iront ou n’iront pas… Mais cette mobilisation est d’ores et déjà historique, sans précédent. Tous les syndicats médicaux, de toutes générations, s’associent à ce mouvement et c’est déjà un point extrêmement fort.
Il y a deux revendications : obtenir les moyens nécessaires de soigner les Français et supprimer toutes les mesures coercitives contenues dans la PPL Valletoux, en tête desquelles la mesure concernant la permanence des soins et dont la finalité (telle qu’exposée dans les motifs) est d’aller vers une obligation individuelle pour les médecins libéraux et de donner la possibilité à un directeur d’ARS de contraindre un libéral à prendre des gardes à l’hôpital public.
Pour justifier cette mesure, on entend que 85% des services d’urgence sont à l’hôpital public. Mais pourquoi ? La DGOS n’a eu de cesse que d’empêcher la création de services d’urgence dans le privé, et de ne pas ouvrir, voire de supprimer, des lignes de PDSES*** pour les médecins spécialistes. Dans mon propre établissement, privé, à Reims, j’ai la chance d’avoir une ligne de PDSES en gastro-entérologie. Il y a deux ans, mon ARS a décidé unilatéralement de faire disparaitre la ligne de PDSES en nuit profonde pour les gastros, pour les pneumos et en totalité pour les ORL et les radiologues – il leur a fallu se battre pendant des semaines…
Je ne suis pas un fou furieux des mouvements de grève, des manifestations et du verbe haut. Mais j’appelle mes confrères, de toute spécialité, de tout exercice, de toute obédience syndicale (ou non) à se mobiliser massivement.
On a tous une bonne raison de ne pas faire grève : les médecins sont responsables de leurs patients et ils sont payés à l’acte… Mais l’heure est grave.
Il faut aller au bout de ce mouvement social, c’est indispensable pour faire comprendre à la société que si on ne veut pas que l’accès se dégrade encore pendant les 20 ou les 30 ans à venir, c’est le moment qu’il ne faut pas louper.
*Objectif national de dépenses d’assurance maladie. **Option pratique tarifaire maîtrisée ***Offre publique d’achat ****Permanence des soins en établissement de santé
* Pour la France, la rémunération de l'acte est bien de 25€ actuellement mais avec les différentes plus values du ROSP, l'acte est rétribué aux environs de 31€ selon les objectifs remplis ou pas des médecins. La France se place ainsi entre la Bolivie et Mayotte, alors qu’elle devrait se situer derrière l’Allemagne, si on considère les pays d’un point de vue de leur puissance économique. La carte montre que la France est un pays qui se place bon dernier des pays européens et parmi les pays en voie de développement en ce qui concerne la rémunération de l’acte médical !
Sur le même constat, les mêmes alertes et les mêmes propositions, plus d'une vingtaine d'articles déjà publiés sur notre blog, à retrouver ci-dessous.
Même si cette espace politique ne se veut pas catégoriel, on n'est jamais mieux servi que par soit même pour être lanceur d'alerte et surtout force de propositions!
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