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La PAC devrait maintenir nos agriculteurs et leur garantir des revenus justes: ce n'est pas le cas.

Souveraineté alimentaire : « L’agriculture mérite d’être soutenue collectivement »


Un article intéressant pointé par mon ami Alain Buffière, Maire pour son troisième mandat de Sarliac-sur-L’lsle, Conseiller au Grand Périgueux Délégué à l’agriculture et à la forêt. Je vous le partage.

Comment construire un système alimentaire plus durable ? Éléments de réponse avec Nathalie Corade, maître de conférences à Bordeaux Sciences Agro. Propos recueillis par Benoît Martin, publiés dans Sud-Ouest, le 21 juin 2023.


Nathalie Corade est maître de conférences en économie à Bordeaux Sciences Agro, responsable de la spécialisation Agricultures, proximité et territoires d’ici et d’ailleurs.


Elle coordonne actuellement le programme de recherche Serealina (SEcurité et REsilience ALIimentaire en Nouvelle-Aquitaine), qui « interroge la durabilité et la résilience du système alimentaire dans sa globalité et des systèmes alimentaires des territoires qui composent la région »



« L’agriculture est soutenue pour compenser les résultats du marché en la rendant artificiellement compétitive. Elle devrait l’être pour conserver nos agriculteurs et leur garantir une rémunération juste ».

Comment définiriez vous la résilience alimentaire ?

On peut considérer la résilience alimentaire de trois manières possibles. La première, c’est une résilience-résistance : le système revient à son état initial après avoir subi un choc sans dommage. La deuxième est une résilience capable d’une certaine plasticité face aux chocs avant de revenir à l’état initial. La troisième résilience possible, c’est un changement complet de modèle sans revenir à la situation initiale.


Laquelle privilégiez-vous ?

La résilience ne dit rien, en soi, sur la durabilité du modèle qui est en cours de changement. Si je change pour être moins bien ou moins durable qu’avant, ça n’a pas d’intérêt. Je suis donc favorable à la troisième acception de la résilience à la condition que le modèle qui se met en place soit plus durable que le précédent.


En quoi la résilience est-elle différente des concepts de souveraineté et d’autonomie alimentaire dont on entend beaucoup parler ?

La souveraineté, c’est ne pas être dépendant du marché mondial, c’est avoir le choix de son modèle alimentaire, implicitement plus durable et davantage tourné vers les populations. L’autonomie, c’est avoir tout ce qu’il faut pour se nourrir et qu’importe le modèle qui est derrière. Pour parler de l’avenir du système alimentaire, je préfère employer le terme de durabilité, même si je sais qu’il est discuté.



Est-ce que le réchauffement climatique et l’urgence qu’il y a à agir vont accélérer, dans les mentalités et les actes, le passage à des systèmes alimentaires plus durables ?

Ça devrait être le cas mais il y a deux réactions possibles. Soit ça enclenche une orientation plus ferme et plus directe vers l’amélioration de la durabilité de nos systèmes. Soit ça tétanise un peu, avec la conservation des modèles actuels.


Quelle est l’échelle la plus pertinente pour mettre en œuvre des systèmes alimentaires plus durables ?

Pour moi, il est évident que le levier le plus fort est le levier le plus haut. Il devrait être, au minimum, européen, via la Politique agricole commune (PAC), et, au mieux, international, même si aujourd’hui il est utopique d’imaginer qu’on va trouver un consensus à ces niveaux-là, du fait notamment des encastrements au niveau des acteurs supranationaux. La nouvelle PAC 2023-2027 n’est pas du tout au rendez-vous des enjeux. Les acteurs locaux et les territoires n’ont pas d’autre choix que de faire ce qu’ils peuvent à leur niveau. Aujourd’hui, les ressorts sont locaux, par défaut.



Comment faire bouger les choses ?

Le problème, c’est que les systèmes alimentaires ne sont pas organisés en systèmes ! L’agriculture, les industries de transformation, les centres de distribution, les artisans et métiers de bouche, etc. ne travaillent pas ensemble. Chacun vend et se fournit à l’extérieur. Tout ça ne fait pas système sur notre territoire. En tant que chercheuse, je travaille, avec les collectivités locales, à voir comment créer des systèmes territoriaux. Pour créer ces systèmes alimentaires durables, quelles sont les pistes concrètes à explorer ? Cela passe-t-il d’abord par les politiques publiques ? Les politiques publiques peuvent aider les agriculteurs et les acteurs à se rencontrer et à travailler ensemble. Les projets alimentaires territoriaux servent à ça, à faire en sorte que chacun puisse envisager d’avoir des liens ensemble. Mettre autour de la table des acteurs qui ne se sont jamais parlé, qui ne connaissent pas les contraintes des uns et des autres, c’est un point de départ nécessaire. Il y a d’autres outils de politiques publiques assez classiques avec du soutien aux agriculteurs qui souhaitent se tourner vers les circuits courts, vers l’approvisionnement des cantines, vers les marchés locaux

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Quid de la grande distribution ?

C’est un vrai problème. C’est un acteur central du système mais tant qu’elle n’adopte pas des modes de fonctionnement qui permettent une meilleure rémunération des agriculteurs, un meilleur partage de la valeur ajoutée, cela restera extrêmement compliqué.


États généraux après états généraux, lois après lois, on ne parvient pas à mieux partager la valeur… Comment s’y prendre ?

Il y a des consommateurs qui ont envie de passer par des circuits courts. En mars 2023, une étude d’UFC-Que choisir a montré qu’un panier de fruits et légumes conventionnels coûte le même prix en circuit court qu’en grande surface et qu’un panier bio y est plus abordable. Les alternatives au système actuel peuvent apparaître modestes. Aussi modestes soient-elles, il faut qu’elles existent. Ce qui m’ennuie beaucoup, c’est de faire de l’agriculture un secteur d’activité comme les autres, aux mains du marché. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une pluralité de modèles, avec des circuits courts, des collectifs d’agriculteurs… Je ne trouve pas scandaleux que l’agriculture soit aidée : c’est l’activité d’intérêt général par excellence car elle nourrit les êtres humains. L’agriculture mérite d’être soutenue collectivement, d’avoir du soutien public.


Ne l’est-elle pas déjà ?

Elle l’est pour compenser les résultats du marché en la rendant artificiellement compétitive sur les marchés mondiaux, mais pour conserver nos agriculteurs et leur garantir une rémunération juste.


Il faut rémunérer davantage les services écosystémiques rendus par les agriculteurs.

Il n’y a pas de raison pour que ceux qui ont de bonnes pratiques sociales et environnementales soient les seuls à prendre en charge les coûts de production pour le faire alors qu’aujourd’hui la prime va à des pratiques plutôt discutables. C’est le principe des externalités positives ou du non-passager clandestin. Si moi, Nathalie Corade, je profite du fait que des agriculteurs me nourrissent, produisent sainement, maintiennent les paysages, etc., il n’y a pas de raison qu’ils soient tout seuls à en supporter la charge, à en payer le prix.

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