Communiqué de presse
En tant que médecin et élu local, je souhaite pointer l’irresponsabilité sanitaire des organisateurs des manifestations, m’étonne de leur autorisation à défiler en ces temps de contraintes épidémiques et alerte sur le contenu de leur discours populiste.
Les organisateurs de manifestations anti-pass et antivaccins prennent une large part de responsabilité sur d’éventuelles contaminations dans leurs rangs et sur la diffusion de la pandémie. Ils favorisent les regroupements sans masque, dans la promiscuité d’un défilé, et diffusent des informations non scientifiques dissuadant une trop large part de nos concitoyens à se faire vacciner.
Des théories non scientifiques, populistes voire obscurantistes
Les spécialistes des questions vaccinales, la communauté scientifique, les pharmacologues, la plupart des médecins sont quasiment tous d’accords pour dire les bienfaits attendus d’une large politique vaccinale validée scientifiquement au niveau mondial et de la poursuite des gestes barrières comme le port du masque dans des espaces publics où les personnes sont proches les unes des autres. Il suffit de parcourir les innombrables articles médicaux sur le sujet, qui, point par point, démontent les théories non scientifiques et populistes développés par certaines personnalités médiatiques ou politiques sulfureuses en mal de reconnaissance.
Nous n’aurions jamais pu, en 1971, considérer que la variole avait été éradiquée complètement de la planète, et décider d’arrêter le vaccin si Internet avait existé et si les lobbies antivaccin avaient eu aussi facilement accès aux nouveaux médias. Ce trop-plein d’informations non validées est, in fine, délétère pour la démocratie alors qu’il devrait la servir. Pour avoir vu encore aujourd’hui les manifestations dans les rues de Périgueux, il réapparait dans notre paysage quotidien cet agrégat de manifestants spontanés et de « professionnels » (gilets jaunes, extrémistes politiques de tous bords, conspirationnistes, …) qui s’emparent à nouveau d’un vrai problème du quotidien des Français, le détourne à leur avantage, en faisant bloc avec des récriminations liberticides de la rue. Ils s’appuient sur des théories erronées colportées par des fake news des réseaux sociaux, érigent des contre-vérités criantes inspirées du conspirationnisme mondial, qui peuvent faire douter même les citoyens sensés.
On peut déplorer l’absence de prise en charge de ces problèmes par les corps intermédiaires (syndicat et partis politiques). Avec cette radicalisation, à la fin du premier quart de ce XXIème siècle, il semble que nous renouions avec un obscurantisme digne du Moyen-Age.
Que n’auraient ils pas reproché au gouvernement, si les vaccins n’avaient pas été accessibles pour tous ! Les mêmes, avec autant d’aplomb, nous auraient affirmé, que seule une caste de citoyens les plus fortunés ont la capacité de se faire soigner, qu’il manque des vaccins, des masques, des tests…, que le gouvernement n’a pas su anticiper, n’a pas su prendre les bonnes décisions. Il ne s’agit pas, contrairement à leurs affirmations, de volonté de la part de l’Etat d’une dictature sanitaire mais plutôt d’une solidarité salutaire.
Un impact direct sur les jeunes générations et les familles
Il reste urgent et nécessaire de motiver cette frange de population excessivement réticente à l’acceptation de cette politique de prévention, pour éviter la quatrième vague et sortir enfin de ce chaos social, sanitaire, économique et éducatif qui impacte les jeunes générations, plus que les autres tranches de la population. Les turbulences et les regroupements nocturnes de nos jeunes, les trimestres scolaires sacrifiés, la gestion de plus en plus complexe, dans les familles, d’adolescents en manque de vie sociale ou sportive se rajoutent aux risques sanitaires et à une nouvelle surcharge probable des hôpitaux avec des personnels épuisés et exsangues.
Où sont les applaudissements, la reconnaissance et le respect à l’endroit de personnels indispensables au fonctionnement de la société durant l’hiver 2020 ?
Les manifestants radicalisés et opposés à cette politique sanitaire représentent une frange mineure de la population (3 à 5% pour les antivaccins récalcitrants) qui ne changera pas d’opinion sur tous ces sujets mais mobilisent derrière eux près de 30% des français inquiets qui peuvent, à juste titre parfois, s’interroger sur la pertinence et la cohérence de certaines mesures du gouvernement, douter de l’intrication de l’intérêt supérieur de la politique vaccinale avec de potentiels intérêts économiques ne respectant pas les standards de mise sur le marché de nouveaux vaccins, douter des mesures d’urgence prises par un gouvernement confronté régulièrement à une situation très évolutive.
Une politique de santé pourtant très favorable en France
Nous sommes, en France, dotés d’une politique de santé exceptionnelle : un accès non limité aux médecins, aux hôpitaux, aux vaccins, aux tests de dépistage, aux masques. Tout ceci, pris en charge par la Sécurité Sociale, sans limite pour chacun. Sommes-nous mal soignés ? La prévention et l’information sont-elles mal diffusées ? Les mesures validées par le monde scientifique sont-elles irresponsables ? Non bien-sûr, notre système sanitaire est exceptionnel, généreux, solidaire et le « coûte-que-coûte » a été mis en place, courageusement, tant au niveau de la santé que de l’économie. L’acte de la vaccination n’est pas une adhésion à la politique gouvernementale.
Nous ne sommes pas obligés de partager l’entièreté des décisions politiques mais force est de reconnaitre, tout au moins sur une vision à moyen terme, que la crise sanitaire a été plutôt bien gérée, hormis le retard à l’implication du niveau décisionnel local au début de la pandémie. Les historiens feront le point dans quelques décennies pour juger alors de la pertinence des décisions prises.
Un risque d’aggravation de la fracture sociale
Les initiateurs de ces manifestations génèrent de fait, mais c’est peut-être une de leurs visées, une aggravation de la fracture sociale, source de déséquilibre de notre vie en commun, en agrégeant des revendications aussi diverses que démagogiques. Ils espèrent ainsi tirer bénéfice de cette contestation. C’est une réelle inquiétude du fait de l’augmentation régulière de leur nombre dans nos rues. Ils mobilisent des personnes nouvelles autour de leurs idées. Il nous reste donc à convaincre les hésitants, ceux qui manifestent de bonne foi, les personnes qui n’accèdent pas forcément à une information équilibrée par manque de temps, d’envie, de formation intellectuelle et qui peuvent se retrouver attirés par des solutions trop simples, voire simplistes, ceux qui sont perturbés par les différents messages lus sur les réseaux sociaux, ceux qui ne souhaitent pas adhérer à une solution gouvernementale qu’ils jugent prématurée, pas assez discutée ou trop directive.
Une enquête, fin 2020, menée par le CNRS auprès de 86 000 personnes, montre que le pass sanitaire sera probablement inefficace pour une partie de ces réfractaires à la vaccination car « toute une partie de la population ne va pas au restaurant, au cinéma, au théâtre, ne prend pas le train, ni l'avion et les réticents se trouvent surtout dans les classes populaires, celles du monde ouvrier et des zones périurbaines, il vaudrait donc mieux essayer de convaincre plutôt que de menacer ». Les mesures actuelles prises par l'exécutif vont surtout servir à faire basculer les méfiants issus des classes moyennes et supérieures. Cela va donc accentuer la fracture sociale de la vaccination : « C'est un paradoxe car, dans le même temps, les plus pauvres sont les plus exposés au Covid-19. »
En tant que médecin, il me semble incontournable que tous se fassent vacciner contre ce virus de façon à arrêter cette pandémie avant que de nouveaux variants n’apparaissent encore plus contagieux, encore plus dangereux. Il faut que chaque soignant le soit également. Cela n’est pas négociable au même titre que d’autres vaccins qui lui sont imposé. Il faut rappeler que dans notre société, nous avons des devoirs, que la solidarité doit être intergénérationnelle comme ce fut le cas lors du début de la vaccination en protégeant d’abord les professionnels de santé et nos ainés. C’est bien d’ailleurs parce que plus de 50% des Français sont vaccinés, que les manifestations sont à nouveau autorisées. La solidarité doit fonctionner dans les deux sens et c’est le tour des adultes et des jeunes de participer maintenant à cet effort solidaire de protection de la société.
Extrait de l'interview de Benoit Hamon à France info – Radio France, le 12 février 2021
L'ancien candidat à la présidentielle Benoit Hamon réagit après le débat du jeudi précédent
opposant Gérald Darmanin et Marine Le Pen.
A l'image de ce qui s'est passé avec Donald Trump aux Etats-Unis, en France aussi on vit avec ce débat un "moment où les faits n'ont plus aucune importance, où peu importe la vérité. L'essentiel, ce sont mes préjugés et le fait que j'impose mes préjugés comme le cadre à l'intérieur duquel tout le monde doit vivre", a-t-il critiqué.
"Je suppose que nous en sommes là, je pense que les faits sont en train de disparaître derrière des représentations, des imaginaires qui sont les imaginaires qui se fondent tous sur la peur".
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