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Protégeons la main qui nous nourrit!

"On tire sur l'ambulance" un des articles de la DL du jour, ne s'adresse pas aux professionnels de santé, qui pourtant sont aussi pour d'autres raisons dans le collimateur, mais à nos agriculteurs…


Pour donner suite à l’intéressant article publié en page 9 dans la Dordogne Libre du 02 juin 2023, « On tire sur l’ambulance » à propos des réactions du monde agricole aux propositions annuelles de la Cour des Comptes suggérant une réduction du cheptel bovin (ruminants) en France pour remplir des objectifs français de réduction des gaz à effet de serre, il nous est paru utile de le compléter par quelques chiffres éclairants cette problématique.

Germinal Peiro, le Président du Département a eu, d’ailleurs, des mots justes en soutien au monde agricole, notamment périgourdin : « une analyse écologiquement inappropriée, économiquement dangereuse et socialement inacceptable ».

Tout est dit. Même si la planète va mal globalement, les éleveurs ne sont pas les premiers responsables et devraient être dans les derniers à être concernés par des mesures, certes nécessaires, de changement de logique environnementale. C’est eux qui nous nourrissent, entretiennent notre cadre de vie et qui gagnent, pour beaucoup, chichement leur vie.


Extraits du rapport -LES SOUTIENS PUBLICS AUX ELEVEURS DE BOVINS- Cour des Comptes - 23 novembre 2022.

[Rapport intégral en annexe]


L’aveu de difficultés à obtenir des chiffres clairs

« Le calcul des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont est responsable l’élevage de bovins, est complexe, les facteurs contribuant aux émissions de GES, mais aussi aux captations de CO2 étant nombreux et le plus souvent systémiques. S’il est acquis que la fermentation entérique des ruminants est responsable d’émissions de méthane (CH4), convertibles en tonnes équivalent CO2 (t CO2éq) sous certaines hypothèses, d’autres facteurs contribuent à modérer ces émissions : la fixation du CO2 dans les sols, qui dépend des conditions pédoclimatiques et du scénario contrefactuel avec lequel on compare la prairie (forêt, friche, culture…), mais aussi les émissions évitées en limitant le recours aux engrais de synthèse grâce à l’utilisation des effluents des animaux comme engrais naturel (émissions évitées dépendantes elles-mêmes des conditions du transport des effluents). L’estimation du bilan global des émissions des bovins fait l’objet d’une abondante littérature scientifique. »

Une des conclusions du rapport

« L’élevage bovin est producteur de services environnementaux et sociétaux considérables. Il valorise des terres non arables. Son rôle dans la gestion du cycle des matières, permettant de limiter les engrais synthétiques, amène à considérer qu’une agriculture sans élevage n’est pas soutenable. Par ailleurs, son importance pour les territoires ruraux, pour l’emploi, pour leur identité, pour la qualité des paysages, pour la biodiversité ou le bien-être animal, doit être prise en compte pour orienter la politique de soutien à l’élevage bovin. L’élevage bovin reste cependant un fort émetteur de méthane, important gaz à effet de serre. Si les bilans des émissions de GES d’une filière agronomique sont complexes à établir précisément, en raison de la multiplicité des facteurs et des scénarios de substitution, le caractère fortement émetteur de GES de l’élevage bovin reste malgré tout indéniable. La séquestration de carbone dans les sols des prairies, si elle réduit ces émissions d’environ un quart - ce chiffre moyen étant sujet à variations selon les conditions pédoclimatiques -, est de toute façon loin de compenser les émissions principales. Les engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane constituent un déterminant majeur de la trajectoire à venir de l’élevage bovin dans notre pays. Dans ce contexte, le MASA n’a pour le moment pas suffisamment pris en compte les liens entre la taille du cheptel et les engagements climatiques, que ce soit dans son plan climat, mal articulé avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), ou dans son Plan Stratégique National (PSN) pour la future PAC, qui n’affiche pas clairement l’évolution future des effectifs du cheptel bovin et qui retient certains indicateurs non pertinents concernant le réchauffement climatique. »


Des données

  • La France représente la première agriculture européenne

  • L’agriculture c’est 77 milliards d’euros de production dont 23 milliards d’euros pour la viande brute et transformée

  • La surface agricole en France représente 50% du territoire

  • L’élevage en France représente les 2/3 des terres agricoles soit 11 millions d’hectares (pour moitié en pâturage et pour moitié en cultures pour alimenter le bétail)

  • La France c’est 390 000 exploitations au total (soit 759 000 emplois) avec 145 000 de fermes d’élevage dont 91 000 d’élevage bovin (48 000 fermes de bovins à viande, 35 000 de bovins à lait et le reste en élevage mixte)

  • Le cheptel bovin français, premier cheptel européen :

    • 2000 : 20 millions de têtes

    • 2020 : idem avec 20 millions de têtes

    • 2022 : 17 millions de têtes : réduction de déjà 10% en 10 ans (départs à la retraite non remplacés, arrêts d’activité, aléas climatique)

    • Pour le cheptel laitier :

      • Réduction de 50% des vaches laitières de 1985 à 2022, soit 3.5 millions actuellement

      • Après un doublement des vaches allaitantes de 1985 à 2000, réduction de 1 million entre 2000 et 2022, soit 3.6 millions aujourd’hui

  • Notre consommation de viande bovine est de 23 kgec/an/personne, derrière les Danois à 26 kgec. Notre consommation globale toute origine de viandes confondue est de 85 kg équivalent carcasse (kgec) par habitant et par an. Oui, il s’agit bien de kgec et non de kg… Le rendement net en kilogramme pour la viande bovine, c’est-à-dire sans les os, la peau et le gras est d’environ 68%! Notre consommation de viande bovine moyenne par habitant est donc de 300 g/semaine (chiffre évidemment à modérer en fonction du niveau de vie des familles et du prix à la boucherie). A titre de comparaison, les Américains du nord, consommaient 20 kgec de viande en 1800, et consomment en 2020, 100 kgec par an !

  • Les prairies naturelles stockent plus de carbone dans les 30 premiers centimètres de profondeur (85 tonnes de carbone/hectare) que les forêts (81 tc/ha) ou les cultures (52 tc/ha). Pour les prairies il faut ajouter 265 kg de carbone /hectare /an en cas de pâturage 58 % des prairies sont pâturées et 42% récoltées (foin, ensilage, enrubannage) L’émission agricole de GES de la France est de 21% et 17% pour le Grand Périgueux. Les bovins émettent par rumination et par leur exploitation 12% des GES de France, autant que les bâtiments résidentiels.

  • Pour mémoire, 1 g de protéines animales émet 250 fois de GES qu’1 g de protéines végétales. Une réduction mondiale de 50% de notre consommation de viande, réduirait de 20% la quantité de GES du globe

  • La réduction de la consommation de viande entrainerait :

    • Réduction de 20% des cancers du colon

    • Réduction de 30% des maladies cardio-vasculaires

    • Réduction de 40% du diabète et obésité

    • Réduction de 50% des diverticules intestinaux

    • Réduction des zoonoses

    • Réduction de la souffrance animale (200 millions d’animaux sont abattus tous les jours dans le monde pour nos usages)

    • Réduction de la consommation d’eau Sur les 33 milliards de m3 consommés annuellement en France, 16% est pour l’agriculture dont 6% pour l’abreuvement du bétail. Une vache consomme entre 40 et 120 litres d’eau/j. Un litre de lait nécessite 5 à 10 litres d’eau. Un kgec de viande a nécessité pour être produit la consommation de 15 500 litres d’eau.

    • Un autre chiffre: il y a au 29 jours sans pluie en France en 1990...70 jours en 2016.

  • Importations/Exportations

    • La France importe 3.5 millions de tonnes de tourteaux de soja, en sachant que :

      • 1 hectare de prairie apporte autant de protéines qu’1 hectare de soja

      • 1 hectare de soja consomme 2 fois plus d’eau qu’un hectare de maïs

    • La France importe 28% de la viande consommée sur son territoire en 2020 (répartition : 19% bovins, 16% dindes, 53% moutons, 43% poulets)

    • En 2022 :

      • Importations viande : 353 000 tec (tonne-équivalent-carcasse), en hausse de 17% par rapport à 2018 (avant la pandémie)

      • Exportations viande : 224 000 tec. Pour rappel le rendement de la viande sur l’étal du boucher, par rapport au poids à vif est de 68%)

  • Les aides européennes (PAC) représentent 4.3 milliards d’euros à l’agriculture soit pour une exploitation moyenne de bovins français : 36 000 euros annuels et pour un éleveur d’ovins : 50 000 euros annuels.

Nos commentaires


La demande et la production de produits alimentaires d’origine animale continuent à augmenter rapidement, à cause de la croissance de la population, de l’augmentation des revenus des ménages et le changement de style de vie et de l’alimentation. En même temps, les systèmes d’élevage ont un impact signification sur l’environnement, notamment sur la qualité de l’air, de l’eau, du sol, sur l’utilisation de la terre ainsi que sur la biodiversité.


L’intensification de l’élevage dans certains pays, notamment aux USA, a conduit à la mise en place de pratiques cherchant d’abord la rentabilité économique par l’augmentation de la productivité. En plus des dégâts naturels engendrés, l’élevage intensif s’est fait au détriment de la santé des humains et aux dépens des conditions de travail et de vie des éleveurs et du bien-être des animaux d’élevage.


Pour assurer la croissance de ce secteur qu’est l’élevage, il est urgent de considérer le caractère limité des ressources naturelles, de la nécessité de contribuer à long terme aux moyens de subsistance et à la sécurité alimentaire, et de s'adapter au changement climatique.


Il faut encourager la transition du système d’élevage vers :

- La diminution de la production et de la consommation de produits animaux ;

- Le passage à des modèles de production plus vertueux sur le plan environnemental, socio-économique et du bien-être des humains et des animaux.


Avec des régimes alimentaires moins carnés, l'élevage s'adapte et la taille des cheptels diminue. Tournés vers davantage de pâturage, de plein air et de bio, ces systèmes présentent un intérêt pour favoriser la biodiversité et le stockage de carbone. En parallèle, grâce à l'autonomie protéique des fermes, l’importation de soja réduit mécaniquement, et avec elle la déforestation importée. Grâce à ce cycle vertueux, on réduit la pression sur les écosystèmes naturels en Amérique du Sud.


Pour y arriver, il faut encourager les consommateurs à végétaliser leurs assiettes et mettre en cohérence les politiques publiques alimentaires et agricoles (PNAN, Plan Autonomie protéique, SNBC, etc.) en mobilisant tous les acteurs de la chaîne agro-alimentaire (industries et distributeurs) pour soutenir la transition des agriculteurs vers l’agroécologie et une meilleure répartition de la valeur au sein des filières.


Il faut être aux côtés des éleveurs soucieux de répondre à la demande des filières et des consommateurs, à produire mieux, dans le respect de la nature, du bien-être animal et de la santé humaine pour optimiser la gestion technico-économique de leur exploitation tout en réduisant l'empreinte écologique de leur cheptel.


Produire moins mais mieux sans perte de revenu pour nos éleveurs qui doivent vivre dignement de leur travail, y compris avec des aides européennes indispensables sinon cela signe leur disparition de notre monde rural. Ce sont ceux qui nous nourrissent et qui sont les jardiniers de nos paysages du quotidien.
 
 
 
 


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